Deux pas en avant et deux pas en arrière

Mise en ligne: 16 décembre 2009

La corruption est un des tags de notre époque, par Antonio de la Fuente

Quelqu’un a dit que la corruption c’est le tag de notre époque, la rubrique la plus fréquentée des pages économiques, politiques, judiciaires et même sportives de la presse locale et internationale.

Quelqu’un a dit aussi que le mot corruption brûle et gèle tout dès qu’il est prononcé. Ce n’est pas par hasard si à l’origine ce mot désigne la décomposition de la matière organique.

Quoiqu’il en soit, la corruption est un ensemble de faits et des pratiques large et mouvant. La représentation de ces pratiques et l’usage que l’on en fait détermine les rapports entre les gens. La détermination de ces pratiques et la représentation de celles-ci varient néanmoins en fonction des différents groupes sociaux.

« La corruption est insondable », écrit Jean Baudrillard, « elle est sans doute consubstantielle au fonctionnement social. Mais du moins la lutte anticorruption en évoque le spectre et nous en offre le spectacle. Or le spectacle de la corruption est une fonction vitale en démocratie : fonction de divertissement, fonction pédagogique, fonction cathartique. Il n’éveille pas d’amertume profonde, sinon la révolte gronderait en permanence » [1].

Concernant les rapports Nord-Sud, la coopération au développement et l’action sociale, la notion n’est donc pas étrangère et elle est même problématique. Il nous est paru donc intéressant d’essayer d’interroger sur l’emprise des pratiques de corruption que ces sphères abritent et aussi sur le poids des représentations des acteurs concernés par cette question.

Ces vingt dernières années, la notion de transparence a gagné du terrain, s’associant étroitement aux exigences de bonne gouvernance pour se dresser face à l’ampleur de la corruption. Il est aussi donc intéressant de s’interroger sur l’origine des notions de transparence et de bonne gouvernance, l’usage que l’on fait et la manière dont cet usage détermine les rapports entre acteurs.

Nous vous proposons donc de porter un regard sur la corruption en tant que réalité et sur la transparence en tant qu’idéologie associée.

Le Rapport 2009 de Transparency International porte sur la corruption dans le secteur privé, ce qui a le mérite d’élargir l’espace de perception habituelle des pratiques de corruption qui a été principalement celui des marchés publics, ainsi que de mettre en lumière non seulement les corrompus mais aussi les corrupteurs. Cet indicateur de corruption-transparence n’est néanmoins pas exempt de critiques tant il est vrai qu’il est basé sur les perceptions que les acteurs ont des phénomènes de corruption plutôt que des phénomènes eux-mêmes.

Quoi qu’il en soit, du point de vue des faits il est fort probable que la corruption soit un iceberg, une réalité dont on ne peut entrevoir qu’une partie superficielle et dont l’essentiel se dérobe à notre perception. De ce fait, nous sommes largement contraints de nous confronter à l’espace idéologique ouvert par l’opposition corruption-transparence : comment peut-on définir la corruption ? (y a-t-il une définition commune à toutes les sociétés ?), quelles sont les pratiques qui tombent sous cette définition et comment doit-on et peut-on les combattre ?

Même si c’est un terrain dans lequel on fait souvent deux pas en avant et deux pas en arrière.

[1Jean Baudrillard, Le miroir de la corruption,
Libération, 19 février 1996