Sept participants à une formation d’animateurs en éducation au développement détaillent leur acquis, par Adélie Miguel Sierra
Depuis une dizaine d’années,
ITECO propose une session de formation d’une semaine, en résidentiel, à destination des animateurs désireux de promouvoir l’éducation au développement là où ils agissent, dans le domaine de l’enseignement, du socioculturel ou des ONG. Outre l’évaluation à chaud à la fin de la formation « Eduquer au développement, une autre façon de coopérer », les formatrices contactent les participants quelques mois après la fin de la session afin de recueillir leur regard plus distancié sur celle-ci. Alors que tous ont réintégré, depuis plusieurs mois, leur contexte professionnel ou de militance, une des dimensions qu’ils valorisent de la formation est celle de la diversité comme source d’apprentissage mais aussi de renforcement de synergies.
Mais la diversité par rapport à quoi ? Tout d’abord, la plupart soulignent la richesse de partager une semaine avec des personnes venant d’horizons différents ayant des expériences variées. En effet, ITECO privilégie des groupes hétérogènes quant aux parcours personnels et professionnels mais ayant un dénominateur commun, celui d’avoir une pratique d’animateur et d’être investi ou de vouloir s’impliquer dans le champ de l’éducation au développement.
Nadine Minampala, promotrice d’Annoncer la couleur à Bruxelles, participante en 2003 : « La diversité des profils des participants a été un véritable atout car cela a permis de se situer dans le champ de l’éducation au développement, de visualiser clairement s’il y a complémentarité ou pas ! De plus, rencontrer des intervenants de l’éducation au développement en provenance du Sud et du Nord permet d’avoir une vue d’ensemble de ce qui se fait, devrait se faire ou ne se fait pas encore. On échange en fait avec des personnes qui portent des actions concrètes et nous en rendent compte... Cela nous pousse à une remise en question de nos façons de faire, de nos façons de penser. Même en éducation au développement, on peut parfois penser qu’on détient la bonne pratique. Par ailleurs, cet enthousiasme peut constituer un frein si on est peu expérimenté, car on se rend compte de la complexité de l’éducation au développement et la diversité de ses acteurs... Mais la méthodologie utilisée permet à chacun d’exister dans ce groupe ».
Caroline Alva, chargée d’éducation au développement à Frères des hommes, au Luxembourg, participante en 2006 : « La diversité des parcours et de nationalités a été un atout pour le partage des méthodes et l’échange d’expériences qui ont été très riches. Mais il faudrait plus de participants masculins, encore aujourd’hui ce sont majoritairement les femmes qui suivent des formations pour améliorer leur pratique ! ».
Yannick Polet, travailleuse sociale dans l’encadrement des jeunes, Bruxelles, participante en 2005 : « La formation m’a permis une mise en réseau et d’ouvrir la porte sur un secteur, d’y entrevoir certains enjeux, et de m’y positionner ».
Solène Bouyoux, animatrice socioculturelle, Bretagne, participante en 2006 :
« Cette diversité a permis une complémentarité entre les participants eux-mêmes et a favorisé l’apprentissage par le groupe. Elle a permis la confrontation des manières de faire dans différents pays et régions. Enfin, elle a permis d’apprendre de l’autre, de son expérience, de ses projets et de comment est mise en place l’éducation au développement dans son lieu de vie.
« Mes attentes, lors de cette
formation, étaient différentes des autres participants majoritairement impliqués dans le secteur de la coopération. Je recherchais des billes conceptuelles sur le développement, la solidarité internationale, les migrations, les droits de l’homme, la souveraineté alimentaire. Mon expérience jusque-là étant plus centrée sur la participation et l’engagement des habitants et des publics jeunes. Après quelques années d’expérience, je me suis rendue compte que favoriser la participation et l’engagement des habitants pour une transformation sociale était une valeur importante mais tout dépendait quel type de transformation sociale on visait.
« Je me suis alors dit que je voulais consolider mon rôle d’animatrice afin de favoriser l’engagement des habitants à un monde solidaire et équitable dans un environnement respecté. Et donc, je me suis dirigée vers l’éducation au développement et aussi à l’environnement.
« La grande différence que j’avais avec les autres participants était que je ne maîtrisais pas les sujets relatifs au développement, mais beaucoup plus ce qui était relatif à l’éducation, l’engagement, la participation, et les méthodes et techniques pour favoriser celles-ci. Le reste du groupe quant à lui recherchait à l’inverse un renforcement de ses compétences pédagogiques à travers l’acquisition de nouvelles méthodes et outils.
« Finalement l’éducation populaire a pour but de favoriser l’accès à la culture pour tous, de permettre l’engagement et la participation des habitants à la transformation sociale. Et l’éducation au développement définit ce qu’on entend par transformation sociale (réduction des inégalités dans le monde, un commerce juste et équitable, des droits de l’homme et de l’enfant respectés). C est en ce sens que les deux sont pour moi complémentaires.
« Les participants sont aussi interpellés par les références tant conceptuelles que méthodologiques sur lesquelles s’appuient les formatrices et les intervenants dans leur encadrement ».
Isabel Duarte, éducatrice sociale brésilienne, Bruxelles, participante en 2006 :
« J’ai trouvé très intéressant le fait que différentes contributions théoriques du Sud, liées au concept d’éducation populaire, aient été abordées. Pour moi, c’est une façon de valoriser la diversité de la production de la connaissance, du savoir faire, qui n’est pas un privilège du soi-disant premier monde, comme nous le fait croire la mentalité eurocentriste. Donc casser cette logique, c’est une extraordinaire occasion de promouvoir la diversité ».
Mais en quoi cette formation a-t-elle renforcé l’action menée par les participants dans leur organisation et leur contexte local ?
Carole Coupez, de Solidarité laïque, coordinatrice du groupe formation au sein de la plateforme française d’éducation au développement, Paris, participante en 2005 : « J’ai pu enrichir nos propres formations et prendre plus de recul (posture d’animateur par rapport à la posture de formateur). Dans ma mission de formatrice d’animateurs, j’ai intégré et adapté les différentes étapes à tenir en compte dans la conception d’une action éducative (et la démarche pédagogique, intentions, objectifs, etc). J’ai aussi adapté les différents outils d’évaluation ».
Yannick Polet, travailleuse sociale : « Suite à l’intervention du Monde selon les femmes au sein de la formation, j’ai demandé à cette ONG d’animer une micro formation pour les membres de l’ONG Asmae, dans laquelle je m’investis bénévolement ».
Marion Ducasse, chargée de mission en éducation au développement pour Pays de Savoie solidaires, Bourget du Lac, France, participante en 2006 : « Dans ma pratique, j’ai intégré l’importance de dégager des espaces, en formation, de mise en pratique, afin que chacun puisse se réapproprier de manière concrète les cadres conceptuels proposés ».
Nadine Minanpala, promotrice d’Annoncer la couleur : « Agir en éducation au développement, c’est avant tout poser un acte politique et militant. Or les bonnes intentions ou un certain bagage intellectuel ne suffisent pas. Cette formation nous le renvoie clairement. Les rencontres, les échanges, les stratégies éducatives liées à l’éducation au développement qu’on nous permet d’identifier, la remise en question que la formation suggère, tout cela permet de mieux comprendre et d’aborder de façon rigoureuse les questions du développement ».