Ce numéro spécial d’ANTIPODES est une invitation à visiter l’univers d’un mystérieux Cercle : le « Cercle de pratiques en pédagogie critique ». Cela pourrait évoquer un autre Cercle, bien plus connu – le Cercle des poètes disparus – sauf que nous avons voulu mettre en avant les pratiques au lieu des personnes. Pourtant, de la poésie, nous en avons créé et écrit, à plusieurs mains. Certes, de la poésie un peu particulière, de la poésie à l’état « brut », comme on dirait un diamant brut ; il faudrait juste polir, la mettre au travail, l’ajuster, que sais-je.
Adoncques, de quoi s’agit-il ? d’un groupe d’enseignantes, formatrices et animateur qui a décidé de s’accaparer de questions qui le traversent, qui l’inquiètent, le préoccupent et toutes ces questions tournent autour de la pédagogie comme on tournerait autour d’un monument. S’en sont suivis des échanges et des réflexions qui ont eu lieu durant l’année académique 2021-2022 au sein de cet espace dénommé « Cercle ». Il s’y est dit ce qu’on hésite à dire dans l’enceinte d’une école ou avec des pairs ; on y a échangé des propos importants et des paroles précieuses, souvent à contre-courant du sens commun. Que nous « dicte » ce sens commun ? Surtout de nous adapter au contexte, d’accepter les changements qui sont produits, sans nous et dans « nos » sociétés, et de ne pas produire les changements pour un autre monde possible et nécessaire. En somme, de rester étrangers à nos propres vies, pour vivre la vie souhaitée (ou pas) par d’autres pour nous.
C’est en questionnant ces logiques, d’un sens commun, qui n’a parfois de commun que le rejet qu’il suscite, en questionnant certaines pratiques et la posture d’enseignant.e, formateur.trice, animateur.trice que le « Cercle de pratiques » est né. C’est en s’inspirant de la pédagogie critique et des Cercles de Culture, créés par Paulo Freire au Brésil que le « Cercle de pratiques » s’est organisé en Belgique.
Les Cercles de Culture au Brésil étaient une « école différente » où se discutaient les problèmes des éduqué.e.s et des éducateurs.trices. Il s’agissait d’un lieu – autour d’un arbre, dans le salon d’une maison, dans une usine, dans les plantations de canne à sucre ainsi que dans une école – où des personnes se réunissaient pour discuter et analyser leurs pratiques, leurs vies et les problèmes quotidiens : le travail, la réalité locale et nationale, la vie familiale, etc. Dans les Cercles de culture il n’y avait pas de leçons ni de professeur.e traditionnel.le qui sait tout et des élèves qui ne savent rien.
Ainsi, lire cette BD peut permettre de s’immerger dans l’univers d’activités concrètes qui ont permis aux participant.e.s au Cercle de pratiques, de vivre une des facettes de l’éducation à la citoyenneté mondiale et solidaire, d’une éducation populaire, émancipatrice : l’articulation entre la pratique et la théorie, l’action et la réflexion en vue de la création de nouvelles actions de changement et la construction d’une société où richesses et pouvoirs sont partagés.
Cette BD, à lire sans modération, porte la beauté du chemin parcouru par les participant.e.s au « Cercle » et le risque pris au long des rencontres de sauter vers l’inconnu, l’imprévu, l’inattendu, de faire chemin en marchant... Prenons le chemin de la lecture et laissons-nous porter par l’inattendu et l’originalité de cette publication.
Paulo Freire