Et si la mise en œuvre du droit à la participation des jeunes et enfants engagés était une partie de la solution ?

Mise en ligne: 8 décembre 2020

Découvrez la plateforme Geomove.net Act Share Be inspired, par Nathalie Delbar

A l’heure où l’Observatoire de l’Enfance, de la Jeunesse et de l’Aide à la Jeunesse organise un webinaire à propos de la communication vers les enfants et les jeunes en temps de crise sanitaire, force est de constater qu’aujourd’hui, à tous les niveaux (scolaire, politique, familial…) le droit à la participation des jeunes et des enfants se situe encore à un niveau embryonnaire.

La pandémie du Covid-19 nous l’a montré, on n’écoute pas assez la voix des jeunes et des enfants. Lors de son passage sur la radio « La Première » de la RTBF le 13 mai 2020, le délégué général aux droits de l’enfant, Bernard De Vos s’indignait de l’absence de considération portée à la parole de l’enfant pendant la première période de confinement. Nos jeunes étaient considérés par le gouvernement comme des « variables d’ajustement » [1].

Bernard De Vos affirmait : « Si vous parcourez les réseaux sociaux, on peut voir des petits dessins humoristiques sur les difficultés du confinement avec des enfants et on a parfois l’impression que les enfants empêchent de confiner tranquillement. On leur demande rarement leur avis sur les questions de société alors qu’ils ont des idées exceptionnelles qui permettent de faire avancer le monde positivement. [...] »

Nous avons célébré en 2019 les 30 ans de la Convention Internationale des Droits de l’Enfant. Celle-ci a conduit à affirmer leurs droits, d’une certaine manière à les considérer comme des personnes à part entière. Pour autant, sont-ils considérés comme de véritables acteurs sociaux, notamment dans une participation réelle à la vie de la cité ?

La participation, qui vise la citoyenneté, « n’est pas », comme le disait Freinet, [2] « l’énoncé théorique des droits et des devoirs de l’individu dans la communauté. C’est la pratique sociale qu’il faut développer afin que l’homme sache plus tard se conduire librement dans les diverses occasions de sa vie. »

C’est cette recherche permanente de la participation que l’ONG Geomoun met en œuvre depuis maintenant plus de 5 ans en réalisant à partir de la Belgique :

  • le projet « Le son d’enfants, l’émission radio des enfants qui s’engagent ! » avec des enfants de 10 à 14 ans belges, haïtiens, togolais, béninois, sénégalais... www.lesondenfants.be
  • des formations auprès d’enseignants de l’enseignement primaire pour apprendre à déconstruire les préjugés et favoriser le dialogue interculturel ou encore pour réaliser des projets mettant en œuvre la participation de leurs élèves www.ifc.cfwb.be
  • une recherche-action afin d’évaluer l’impact des animations réalisées et leur potentielle influence sur une amélioration du droit à la participation,
  • la plateforme www.geomove.net créée par les jeunes pour les jeunes de 6 à 26 ans d’ici et d’ailleurs pour promouvoir leurs initiatives citoyennes.

Cette approche liée aux droits de l’enfant menée par l’ONG implique une stratégie d’action dynamique et holistique. Dynamique parce qu’elle reconnaît aux enfants, filles et garçons, le droit d’être acteur de leur propre vie et de participer activement à leur communauté. Holistique parce qu’elle considère que pour améliorer les droits de l’enfant, il faut agir sur différents niveaux d’acteurs et de secteurs. 

Au niveau des secteurs, l’approche « droit » tient compte de tous les aspects qui doivent être pris en compte dans la situation d’un enfant ou d’un groupe d’enfants et croit en la force d’un concours de partenaires thématiques (santé, sécurité alimentaire, environnement, énergie renouvelable, protection des mineurs,...) qui travaillent en synergie aux différents niveaux d’intervention. Geomoun s’entoure dès lors d’un réseau de partenaires pour mener à bien l’ensemble des projets, où qu’ils se situent.

Au niveau des acteurs, l’approche prévoit de travailler avec le système qui gravite autour de l’enfant (parents, enseignants, écoles, décideurs politiques, médias) pour arriver à un changement durable.

Les projets de Geomoun proposent concrètement la formation et le coaching du monde scolaire (enseignants et directions) autour d’un processus d’apprentissage conjuguant la formation à la pensée critique [3], la force pédagogique et émotionnelle des échanges interculturels et l’accompagnement d’actions concrètes en faveur d’un monde plus juste, responsable et solidaire.

L’étude UNICEF 2014 [4] affirmait que « dans le domaine familial, scolaire ou encore au niveau de la Commune, les enfants et les jeunes ont un ressenti « limitatif » de leur droit à la participation, celui-ci étant limité à des sujets ponctuels (choix d’un repas, d’un voyage scolaire, etc.) et à des questions individuelles. La participation des enfants et des jeunes fait rarement l’objet d’une organisation structurelle, tant au niveau de l’école qu’au niveau des communes. Plus les enfants grandissent, moins ils se voient comme des sujets participatifs, que ce soit à l’école ou dans la commune... Si l’on réussit à susciter leur intérêt, ils participent par contre très activement.

Le type d’éducation et le climat social qui règnent dans la famille, à l’école et dans la commune jouent également un rôle déterminant quant au degré de participation des enfants et des jeunes.

La participation dépend aussi de la manière dont les adultes souhaitent que les jeunes participent et soutiennent cette démarche. En 2014, ceci était également souligné par Elsbeth Müller, directrice générale d’UNICEF Suisse : « Ils doivent se rendre compte qu’ils peuvent avoir un certain effet par ce qu’ils disent et font. A cet effet, il est nécessaire que les adultes impliqués aient une attitude appropriée et la patience nécessaire ; et il faut aussi des plateformes et des canaux qui permettent aux enfants et aux jeunes de « se faire entendre » de
manière simple et directe, de discuter de leurs requêtes et de leurs idées et de négocier à leur sujet sous des formes adaptées à leur âge. »

Et aujourd’hui ?

La recherche-action menée par Geomoun à l’occasion de la réalisation de son programme quinquennal 2017-2022 montre jusqu’à présent malheureusement bien peu d’évolutions.

Dans cette recherche-action, deux volets sont abordés :

  • Un premier reprenant l’analyse du contexte du Droit à la Participation dans les pays et les écoles participant au projet,
  • Un deuxième reprenant une analyse des enquêtes remplies par les publics ciblés, des exercices réalisés en focus group et des leçons apprises.

Point de vue contexte, Geomoun prévoit de rassembler les avis d’acteurs clés comme le Délégué Général aux Droits de l’Enfant, un avocat du tribunal de la jeunesse, des échevins de la jeunesse ou de la participation, etc

Certaines communes font en effet la promotion de la participation citoyenne et prévoient un budget participatif pour des projets citoyens ou encore un mandat pour un échevin de la participation. Mais cet échevin de la participation n’aura pas reçu de précision de la part de la Commune au niveau/en ce qui concerne l’engagement citoyen des jeunes, même si, par contre, cela fait partie des attentions, parce que , dans la foulée des manifestations pour le climat, les jeunes ont interpellé les communes à plusieurs reprises avec l’appui de leur école.

Certaines communes prévoient un conseil des enfants, organe, constitué de jeunes, de manière permanente qui donne un avis sur les politiques communales. La participation des enfants aux décisions publiques, que ce soit au niveau local, régional ou national, n’est pas un concept neuf. Elle s’inscrit dans une vision plus large visant à impliquer les citoyens dans les processus de décision, ce qui englobe aussi l’avis des enfants et des jeunes. Par ailleurs, l’implication des enfants dans la décision publique contribue à développer leur citoyenneté, leur offre une opportunité d’apprentissage des processus démocratiques, leur donne confiance en eux et renforce leur capacité à faire entendre leur voix [5].

Il est primordial que ces processus de participation des enfants leur soient adaptés L’attitude de l’adulte dans la prise en compte de l’avis des enfants à travers ces conseils d’enfants est très importante. Exercer le Droit à la Participation des enfants, c’est arriver à parler à hauteur d’enfant. Permettre aux enfants de vivre leurs droits, ce n’est pas leur dire faites ce que vous voulez comme vous le voulez quand vous le voulez. L’adulte leur garantit un cadre. Il y a des interdits, des limites à ne pas franchir. Et ça, c’est l’adulte qui doit en être dépositaire et garant. Un enfant, c’est un être en devenir. Il est important de respecter sa temporalité. Il incombe aux adultes de poser un cadre qui garantisse le respect mutuel, que tout le monde ait sa place, que les choix des uns et des autres ne soient pas mis de côté même s’ils sont minoritaires. C’est la responsabilité de l’adulte pour que les enfants puissent vivre pleinement.

Dans les écoles de Belgique et d’ailleurs, la peur de donner la parole aux enfants pour leur permettre de participer aux processus de décisions concernant des thèmes qui les concernent est encore présente. Certains enseignants n’envisagent pas de réaliser des conseils de classe, car ils ne veulent pas écouter et gérer les problèmes de leurs élèves.

Certaines directions n’envisagent pas de prendre en compte l’avis des élèves car ils ne veulent pas prendre en compte leur indignation.

Même si des progrès ont été réalisés ces dernières années et que l’on songe davantage à consulter les enfants sur ce qu’ils vivent, il reste toutefois de nombreux obstacles à la participation des enfants les plus vulnérables, comme les très jeunes enfants, les enfants migrants, les enfants porteurs d’un handicap, les enfants malades, les enfants en conflit avec la loi, les enfants touchés par la pauvreté́, etc. Il reste également le problème que bon nombre d’initiatives dites « de participation » sont avant tout des consultations d’enfants, qui se limitent à écouter les enfants, sans vraiment prendre en considération leurs opinions.

A côté de cela, il existe aussi beaucoup d’initiatives réalisées par des jeunes et enfants dont on ne fait que trop peu la promotion.

C’est à partir de ces constats que l’idée de création d’un réseau international des jeunes et enfants qui s’engagent a germé au sein de l’ONG Geomoun.

Afin que ce réseau réponde aux besoins et aux habitudes de communication des jeunes et enfants de 6 à 26 ans, ces derniers ont été inclus aux différentes étapes de son élaboration et de sa conception.

  • Un brainstorming a été réalisé avec eux pour aboutir au choix d’un réseau sous forme d’une plateforme en ligne.
  • Un hackathon, compétition entre jeunes codeurs belges et béninois, a permis de définir ses fonctionnalités (https://www.youtube.com/watch?v=DzLaI5Md5sQ)
  • Une consultation a abouti au nom de Geomove.
  • Un concours a été organisé entre jeunes graphistes pour définir le logo, le code couleur et la typographie.

Grâce aux fonctionnalités retenues, la plateforme www.Geomove.net
permettra aux jeunes et enfants engagés de :

  • promouvoir leurs initiatives citoyennes catégorisées selon les objectifs de développement durable mis en place par les Nations Unies
  • partager ces initiatives citoyennes (et du coup inspirer d’autres jeunes et enfants)
  • créer des événements
  • créer des projets/initiatives citoyennes à réaliser
  • se mobiliser
  • se lancer des défis
  • dénoncer une situation qui ne respecte pas les droits humains
  • faire appel à des experts pour surmonter un obstacle

Le monde en pleine mutation dans lequel nous vivons nous plonge dans un paradoxe : une montée des extrêmes et de la peur d’un côté (meurtre de Samuel Paty…) et de l’autre, un engagement de plus en plus fort pour une société davantage respectueuse de tous et de la planète (actions de solidarité pendant la crise sanitaire du Covid-19).

Ne serait-il pas temps de prendre en compte l’avis des jeunes et enfants engagés de manière plus régulière ?

Connaissez-vous des jeunes ou enfants ayant entre 6 et 26 ans qui ont déjà réalisé des actions citoyennes ou qui souhaitent participer à la construction d’un monde plus juste, durable, responsable et solidaire ?

Donnez leur rendez-vous sur www.geomove.net à partir du 16 novembre 2020.

La promotion de ces initiatives soutiendra la force collective de changement.

[2Célestin Freinet est un pédagogue français qui a développé avec l’aide de sa femme et en collaboration avec un réseau d’instituteurs, toute une série de techniques pédagogiques, basée sur l’expression libre des enfants : texte libre, dessin libre, correspondance interscolaire, imprimerie et journal scolaire, enquêtes, etc. Militant engagé, politiquement et syndicalement, en une époque marquée par de forts conflits idéologiques, il conçoit l’éducation comme un moyen de progrès et d’émancipation politique et citoyenne.

[3Deux
personnes du staff de Geomoun sont formées et expérimentées à la philosophie pour enfants.

[4De l’opinion exprimée à l’action concrète, UNICEF Suisse, 2014

[5Politeia en coopération avec l’Association des Villes et Communes flamandes, “Weet ik veel !” Handboek voor kinder- en jongerenparticipatie’, Bruxelles, Belgique, 2010.