Jusqu’à présent, peu d’ONG ont évalué leurs actions en éducation au développement, comme la DGCI le suggère. L’expérience s’est pourtant avérée très positive pour les équipes qui se sont frottées à des évaluateurs extérieurs, par Andrés Patuelli
Chez Frères des hommes (FDH), l’évaluation fait partie intégrante du travail, assumé en gestion collective, si bien que trois évaluations ont été commandées à des agents externes ces dernières années. La première, réalisée en 1999 par Carmelina Carracillo, du Réseau Cultures, visait la stratégie d’éducation au développement et les nombreuses activités menées, notamment des expositions, le périodique institutionnel et la participation à des animations ou aux instances de discussion, tels le CNCD ou le RED. La deuxième, pratiquée en 2000 par Claude De Doncker, de FDH France, s’est centrée sur le projet institutionnel. La troisième, en 2000-2001, consacrée au fonctionnement interne de l’organisation, y compris le processus évaluatif, a été assurée par Isabelle Van Pachterbeke, de l’Agence conseil en économie sociale.
Quelles conclusions l’équipe a-t-elle tirées de cette expérience ? Pour Luana Becattini, gestionnaire administrative et financière à FDH, loin d’être vécues comme une sanction, ces évaluations ont été « enrichissantes, novatrices et valorisantes et ont répondu clairement à nos attentes ». Les raisons de cette réussite résident dans le caractère participatif de la méthode ainsi que dans les outils de planification et d’auto-évaluation mis à disposition par les évaluateurs. Les rapports avec ceux-ci étaient d’ailleurs « excellents », même si « au début il y a eu une certaine tension au sein de l’équipe. Mais la taille de notre équipe, six employés, et notre mode de fonctionnement ont facilité et renforcé le travail ».
Luana Becattini : Nous avons appliqué des schémas existants, mais nous les avons adaptés à notre mode de fonctionnement et à nos actions spécifiques. Nous avons impliqué l’ensemble de l’équipe (secrétariat, récolte de fonds, administration…), qui s’est sentie engagée et valorisée. Ce fut une expérience très positive et la méthode est à recommander ! Ensuite, par rapport aux sujets d’étude, c’est l’évaluation de l’impact sur le comportement du public cible qui représente la plus grande difficulté. Ce serait vraiment intéressant de pouvoir évaluer aussi ce que le public pense de notre travail, de nos publications. Malheureusement, le financement d’une telle évaluation reste impensable pour notre association : 1 % des frais administratifs, c’est insuffisant ! ».
Luana Becattini : Je crois que c’est plutôt la conséquence d’une certaine planification : si l’évaluation est effectuée au cours des deux dernières années du programme quinquennal, elle permet d’en évaluer une plus grande partie et de tenir compte des résultats dans la préparation du programme suivant. De plus, les évaluations réalisées par des experts externes sont relativement chères et les frais encourus sont déduits des frais administratifs : l’évaluation n’est pas considérée comme une action en tant que telle. Enfin, une évaluation complète prend du temps et, dans une planification, la priorité est souvent donnée aux actions et aux obligations quotidiennes plutôt qu’à l’évaluation.
Luana Becattini : Elles n’ont pas le choix ! Les recherches sur les mesures d’impact des actions réalisées ne sont pas toujours appréciées par les bailleurs de fonds. Et proposer la même action trois ou quatre ans d’affilée n’est pas ou peu accepté. Mesurer les résultats, connaître l’impact d’une action de sensibilisation ou d’éducation n’est pas chose aisée, et le financement, surtout celui des salaires, n’est pas accordé pour une telle recherche.