Présentation - En première sur le Titanic

Mise en ligne: 8 septembre 2015

« Dans une perspective business, soyons réalistes : à la base, le métier de TF1, c’est d’aider Coca-Cola, par exemple, à vendre son produit », déclarait récemment Patrick Le Lay, PDG de TF1 [1].

Tout est dans le « par exemple ». Et dans le « soyons réalistes ».

« Le président de TF1 reconnaît ne se soucier du téléspectateur que pour mieux le livrer corps et biens à l’annonceur. Il paraît que, dans les abattoirs japonais, on pratique un massage prolongé des veaux avant de les abattre. La viande en serait plus tendre et plus savoureuse. Les paroles prononcées par M. Le Lay rappellent ces pratiques », répond l’association de réalisateurs 25 Images [2].

TF1 a engrangé en 2003 un bénéfice net de 23,1 millions d’euros (plus 23,4 % par rapport à l’année précédente). Uniquement en France, Coca-Cola a investi 30 millions d’euros en 2003, en majorité sur TF1, cela va de soi. Le bénéfice net de Coca-Cola ? On manque assurément de touches sur ce clavier pour le transcrire.

Que peut faire face à ces réalités la centaine d’animateurs en éducation au développement qui se sont réunis en ce mois de juillet 2004 à Ostende, pour traiter des rapports entre les médias et l’éducation au développement ? [3] Diaboliser les médias, chercher à les utiliser ? Bien poser le problème, tout d’abord, comprendre ensuite pour pouvoir mieux agir en définitive.

Deux citations peuvent nous guider dans cette direction :

« Les médias ne réussissent pas toujours à dire aux personnes ce qu’elles doivent penser. Par contre, ils parviennent toujours à leur dire à quoi elles devraient penser » [4]. En d’autres termes, les médias déterminent le cadre des thèmes et des problèmes socialement pertinents à un moment déterminé. Rien de plus, rien de moins.

« Le terme plus juste pour définir le rapport entre les médias et la société est peut-être celui de circularité, car le trait principal qui définit cette relation est le conditionnement réciproque. Les rapports sociaux, politiques, économiques induisent des représentations médiatiques qui, à leur tour, ont des répercussions sur la société. Les médias ne constituent pas un pouvoir absolu, mais vont conditionner profondément le contexte politique, social et économique qui les entoure » [5].

C’est sous cet angle qu’il conviendrait de lire les propos et réflexions, venant pour la plupart de professionnels et d’observateurs des médias, qui composent ce dossier. Soyons réalistes, dit le PDG de TF1. Contrairement à ce qu’il veut nous faire croire, annuler la dette du tiers monde et se battre pour améliorer les conditions de vie des populations défavorisées, par exemple, est faire preuve de beaucoup de réalisme. A quoi sert-il d’avoir un ticket de première classe si c’est sur le Titanic ? [6].

[1Les Dirigeants face au changement, Editions du Huitième jour, Paris, 2004.

[2Dans Le Monde du 13 septembre 2004.

[3Cf. www.deeep.org

[4Bernard Cohen, The Press and Foreign Policy, Princeton University Press, Princeton, 1963.

[5Mário Mesquita, O Quarto equivoco. O poder dos media na sociedade contemporânea, Minerva, Coimbra, 2003.

[6Karim Tazi, entrepeneur et fondateur de la Banque alimentaire au Maroc, dans TelQuel, Rabat, août 2004.