Fiches Pédagogiques

Mise en ligne: 23 décembre 2024
  • 1/ ARTICLE INTRO

Renforcer la société civile organisée comme contre-pouvoir en démocratie. Voici une des transversales du travail d’ITECO en tant que centre de formation, organisation d’éducation populaire et association luttant pour une répartition égalitaire des ressources et pouvoirs depuis une perspective décoloniale, féministe et anti-capitaliste.

Nos fronts de luttes ont forcément évolué avec le temps en résonnance avec le secteur du « développement », premier champ d’action d’ITECO et avec celui de l’éducation populaire/permanente. En accordant une attention chaque fois plus importante à déceler, analyser et inventer ensemble des pistes d’action nous permettant de mettre à nu et si possible de renverser les rapports de pouvoir et de dominations qui reproduisent les injustices traversant nos sociétés … et nos groupes. Et ce en essayant de sortir d’une approche politico-pédagogique qui par certains de ces aspects pouvait être presque « malgré nous » trop centrée sur le rationalisme cartésien auxquels nous avons été forcément conditionnés de par nos (dé)formations universitaires. Ou, dit autrement, comment lutter contre les inégalités et les rapports de dominations qui nous traversent et parfois reproduisons en reliant le cœur, la tête et les tripes ?

Si ITECO a toujours essayé de porter une attention particulière à placer l’individu avec ses affects et ses percepts comme point de départ de tout processus de formation pensé depuis une approche d’éducation populaire, ce n’est donc pas tout à fait par hasard si à partir de 2014, nous avons commencé de manière plus « structurée » à travers une première formation à pratiquer et diffuser certaines techniques théâtrales issus du théâtre de l’opprimé et du théâtre action vers des personnes issus principalement du monde de l’ECMS et de l’animation socio-culturelle. Cela s’est fait d’autant plus naturellement, qu’ ITECO a depuis très longtemps été extrêmement influencé par Paulo Freire et sa « pédagogie des opprimés ». Ces premières formations données en partenariat avec entre autres la compagnie Ebullition de Géraldine Bogaert et Alternative Théâtre de Sara Graetz nous ont permis d’ouvrir un espace apparemment manquant d’articulation entre pratiques théâtrales et réflexions politico-pédagogiques. Ces formations de 3 jours étaient d’une telle joie et libératrices d’une telle puissance collective qu’elle débouchèrent en 2019 sur la création d’un collectif de théâtre de l’opprimé. A mi-chemin entre un espace d’expérimentation et de création, et malgré le Covid, il permit l’ouverture de « zones politiques temporaires » (dans la prolongation des TAZ d’Hakim Bey) dans l’espace public bruxellois à travers des formes de théâtres invisibles et d’happenings théâtraux sur les questions de précarité, de mal-emploi, des violences policières et de surveillance généralisée entre autres avec l’appui du Collectif 1984. Cette expérience s’est ensuite poursuivi en 2022 avec l’organisation d’une formation « Théâtre de l’Opprimé et éducation transformatrice » en partenariat avec les Polymorphistes, qui nous a permis de questionner l’importance et en même temps la crête exigeante et parfois fragile de l’articulation entre créations théâtrales et réflexion politico-pédagogiques. Fort de ces différentes expériences, nous avons également commencé depuis 2018 à mobiliser certaines formes de théâtre-image dans d’autres formation d’ITECO, comme « outil » d’émergence de situations d’oppressions vécues par les participant.e.s, terreau nécessaire à la politisation de nos actions éducatives.

Toutes ces expériences ont apporté leur lot de questionnements, de réflexions et ont enrichi nos pratiques de « formateurs-trices chercheur.euse.s ». Ne pouvant évidemment réduire la richesse et la puissance du théâtre de l’opprimé à quelques « recettes » et « outils », nous avons glané ça et là quelques exercices qui nous semblent constituer des pépites à partager pour toutes celles et ceux qui pratiquent le théâtre comme outil au service des luttes sociales. Nous les devons évidemment à d’autres avant nous. Nous les avons tout au plus prolongés, approfondis ou tout simplement systématisés. Merci à Sara Graetz, Géraldine Bogaert, Max Lebras, Muhammed Gurkan et toutes les personnes que nous avons croisés dans ce cheminement.

Nous vous présentons donc ici quelques exercices que nous pratiquons à chaque fois avec beaucoup de joie et qui en fonction du groupe donne à chaque fois des résultats extrêmement riche pour le processus dans lequel nous les avons mobilisés. En plus des habituelles recommandations d’utilisation, de mise en place nécessaire et des consignes suggérées, nous vous partageons également depuis quels fondements politico-pédagogiques nous mobilisons ces exercices. Aussi agréables soient-ils, ces exercices qui ne sont en aucun cas un « processus » à suivre, constituent avant tout à nos yeux des étapes de travail et des « espaces de politisation » permettant au groupe d’avancer à travers le théâtre dans la recherche de pistes de renversement des rapports de domination de nos sociétés capitalistes hétéropatriarcale et raciste. Si la lecture de ce type de « fiche » est toujours un peu aride, nous espérons que vous en tirerez joie et puissance pour vos pratiques théâtralo-politiques !

  • 2/ « EXERCICE DE DYNAMISATION AVEC CHAISES »

Recommandation sur le déploiement de l’exercice : En début de processus de constitution de groupe ou de construction d’un théâtre Forum.
Mise en place : on place en cercle autant de chaises que de personne – 1.
 : La personne non assise se place au centre du cercle, dit son nom et lance une affirmation. Exemple : « Je m’appelle Saliha et j’aime chanter ». Toutes les personnes qui s’identifient à l’affirmation se lèvent et essaie de se rasseoir sur une autre chaise (sans pouvoir s’asseoir sur celle juste à côté de la leur). Celui ou celle qui n’a pas trouvé de chaise reste au milieu et énonce la prochaine affirmation. Les affirmations peuvent être libres dans un premier temps. Pour ensuite proposer « une phrase au monde », ensuite « je suis… et je suis révolté par… », pour finir par « En tant que …, je suis révoltée par … ».
Intentions de l’exercice : Faire émerger des injustices vécues et les colères ressenties par les groupes sociaux auxquelles font partie les participant-e-s à l’exercice et pouvoir les problématiser à partir des « nous intermédiaires » auxquels nous faisons partie.

Fondements politico-pédagogiques et problématisations possibles à partir de l’exercice :

A partir de nos positions sociotopiques, cad en fonction des places qu’occupent les groupes sociaux auxquels nous faisons partie dans le tissu social, par choix ou par assignation, nous vivons et construisons des expériences quotidiennes qui façonnent voir déterminent nos interactions et nos possibilités d’action sur notre réalité sociale (im)médiate. Ces expériences du quotidien deviennent politiques et donc matière à problématisation dans le cadre d’un travail en éducation populaire (à travers le théâtre de l’opprimé ou autre) si nous arrivons à dépasser leur singularité en arrivant à les replacer comme expérience collective vécue possiblement par toustes les personnes faisant partie de ce groupe social. Partir du « je », singulier, situé pour progressivement faire émerger les expériences quotidiennes et collectives d’injustices vécues et les colères qui en résultent. Telle est l’intention de l’exercice de dynamisation avec les chaises et porte d’entrée possible pour ensuite pouvoir les problématiser

Sans l’expression et la (re)connexion à nos colères politiques, l’action de transformation ne serait que déclaration de bonnes intentions. La lutte est dans les tripes tout autant que dans nos cœurs et nos pensées, trop souvent rationnellement anesthésiantes.

  • 3/ STATUES DE POUVOIR

Recommandation sur le déploiement de l’exercice : Après constitution du groupe, lors du début du travail sur les oppressions vécues par les participant.e.s.
Mise en place : Un espace dégagé sans chaise. Les participants peuvent se mettre en grand cercle.
Déroulement : Une personne propose au centre du cercle une posture corporelle « qui raconte quelque chose » (attention à ne pas diluer l’image en bougeant, si on est crispé, on se secoue et on reprend la pose). Une 2e personne vient compléter l’image. On demande aux autres personnes du groupe de commenter l’image, de l’interpréter, de décrire les volontés à l’œuvre. On recommence l’exercice autant de fois que nécessaire en demandant à la 1ère personne de quitter l’image et à la deuxième personne de rester. Une nouvelle personne recompose une image avec une 2e, personne, une 3e, une 4e,.. et ainsi de suite jusqu’à éventuellement tout le groupe.
Dans un deuxième temps, on demande que l’image créé exprime un rapport de force, d’oppression explicite. On redemande au groupe de commenter l’image, de l’interpréter en expliquant où se situe le rapport de force, comment il s’exprime, qui domine qui, dans quel contexte ?

Intentions de l’exercice : Faire émerger au travers de statues corporelles des tableaux qui illustrent des situations d’oppressions et réfléchir aux relations de pouvoir et les possibilités de renversement qui existent pour les personnes opprimées de la scène.

Fondements politico-pédagogiques et problématisations possibles à partir de l’exercice :

Toute forme d’oppression, qu’elle soit politique, sociale, religieuse, militaire ou économique engendre (presque) automatiquement autant de formes et de stratégies de résistance portées par les opprimés que les situations le permettent. La résistance à l’oppression n’est en ce sens pas seulement un droit, ni une possibilité politique mais fait partie de l’élan vital de la condition humaine qui ne s’accepte comme victime que quand toute forme de lutte est anéantie ou objectivement impossible (comme un esclave enchaîné face à son maître, un prisonnier dans sa geôle, un sans-papier face à un agent de Frontex,etc.). Si les oppressions qu’on peut être amenées à subir sont multiformes, les possibilités de luttent sont également extrêmement nombreuses et dépendantes du contexte dans lequel elles prennent place et des alliances de circonstance qu’on peut nouer. A partir de quand il y a rapport de domination ? De résistance qu’elle soit individuelle et/ou collective ? A travers l’exercice des statues de pouvoir, c’est ainsi toute l’écologie des relations de pouvoir que nous pouvons sonder en nous questionnant sur comment elles se configurent, comment elles se nouent et éventuellement se renversent.

Possibilité de débriefing

-  Le pouvoir n’est pas forcément violent ou dominant mais se diffuse parfois plus subtilement par toute une série de dispositif qu’il est nécessaire d’identifier et d’expliciter si on veut participer au grand renversement. Quels sont-ils dans les scènes représentées ?
-  Le pouvoir peut changer à tout moment : comment construire de la puissance auprès des opprimé.e.s ?
-  Qu’est-ce qui fait renverser le pouvoir ? Quels sont les leviers dont nous disposons ?

Remarques :

 Il est important de favoriser le regard multiple et de de sortir de la logique de « la » bonne réponse, de « la » vérité en favorisant un climat où toutes les interprétations sont valables, forcément « vraies ». Favoriser la décentration et la réflexion sur la perception de certaines images à travers la prise en compte des cadres de référence de notre public.
 Important : toujours ramener à du concret quand on travaille les images : c’est qui, c’est où ?
 Il est également important de prêter l’oreille aux interprétations données afin de sentir la sensibilité et les préoccupations du groupe (en vue de l’éventuelle choix de thème pour un Théâtre Forum).
 Possibilité, pour ne pas entrer trop en débat, de demander au public de donner un titre à l’image.

  • 4/ « COMBAT DE COQS »

Recommandation sur le déploiement de l’exercice : Dans le cadre de la création d’une scène de Théâtre-Forum (ou Théâtre Invisible), une fois les problématiques des scènes choisies. Etape dans la construction des personnages et des dialogues de la scène.
Mise en place : Les participant-e-s sont divisés en deux groupes, en file, l’une face à l’autre. Chaque file représente un des personnages de la scène, lui-même archétype du groupe social qu’il représente dans la scène de TF/TI (exemple : les hommes machistes, les femmes soumises, les dirigeants carriéristes, les étudiants étrangers, etc.).
Déroulement :
 1/ Monologue intérieur en « je » - expression de sa volonté et vision du monde sous-jacente - Un « dialogue » sous forme de combat de coq entre les deux premières personnes de la file s’entame pendant 60 secondes. Chaque participant parle sans arrêt, sans répondre à l’autre en exprimant ce qu’il veut (ex : « Je veux que tu m’écoute, je veux être respecté et pouvoir décider de qui je vois, je veux pouvoir choisir mon futur sans que tu sois toujours en train de me contrôler, »). Après 60 secondes, on arrête le dialogue et la première personne d’une des deux files, va dans l’autre file et on alterne ainsi les binômes du « combat de coq ». Lors des premiers tours, on laisse aller le « dialogue » sur le ton naturellement porté par les participant.e.s. Après plusieurs tours, on demande d’augmenter le ton. Il faut que ça chauffe, que les volontés portées par chacun des personnages s’affrontent !
 2/ Monologue intérieur en « tu » - expression de ses revendications : Ensuite, on poursuite l’exercice mais cette fois-ci à travers un monologue intérieur en « tu » où chaque participe exprime clairement ses revendications par rapport à l’autre personnage (ex : « Tu vas arrêter de les mépriser, de les regarder de la sorte,… »).
 3/ Du personnage-archétype à la lutte entre groupes sociaux : Les deux groupes s’affrontent en se positionnant comme un dragon multi-tête où les différents membres du groupe font un monologue intérieur mais tous ensemble. Cela représente les deux groupes sociaux qui se font face et expriment leur volonté et le désaccord profond entre leur vision du monde.
 4/Lutte entre groupes sociaux et collecte d’arguments pour la construction de la scène (suite) : Chaque groupe peut choisir un « représentant » qui se met devant son groupe. Recommence le combat de coq où cette fois les autres membres du groupe peuvent compléter ce qui est dit. S’engage ainsi un dialogue multi-têtes où tout le groupe joue l’impro de la crise chinoise. Tous ces dialoguent en improvisation sont extrêmement précieux pour la construction des dialogues car ils révèlent les volontés profondes des opprimés – oppresseurs en présence.
 Variante possible : Si la création de la scène le nécessite et afin de renforcer l’opprimé dans la construction de son personnage, on peut éventuellement demander à l’opprimé d’être observateur du combat de coq et sculpter chaque personnage après chaque « dialogue » pour représenter l’évolution du rapport de force. Cela peut l’aider à se décentrer et à prendre du recul sur les éléments du conflit se situant plus au niveau individuel et interpersonnel afin d’intégrer dans la construction de son personnage et des dialogues les dimensions structurelles, politiques et historiques qui médiatisent la relation entre les acteurs en présence.

Intentions de l’exercice  : Clarifier et affiner les volontés des personnages de la scène de TF/TI en construction et les visions du monde qui s’affrontent en les replaçant en tant que personnage-archétypique du groupe social qu’ils représentent. Ce « saut qualitatif » constitue un élément indispensable pour sortir de la singularité de l’histoire illustrée par la scène de TF/TI, et ainsi pouvoir politiser les relations entre personnages et permettre l’analyse des facteurs structurant les rapports de domination que ces groupes sociaux entretiennent entre eux. C’est grâce à cette « désingularisation » des personnages, que l’histoire devient « terreau d’analyse politique » pour les spect’acteurs qui en s’identifiant aux personnages de la scène peuvent la transposer à d’autres situations vécues ou dont ils ont été témoin dans leur quotidien. Condition indispensable à leur participation à la scène de TF/TI, transformant celle-ci en véritable espace d’entrainement pour faire face aux situations d’oppressions illustrées par la scène et de réflexion collective sur les conditions nécessaires à leur renversement.

Fondements politico-pédagogiques et problématisations possibles à partir de l’exercice :

Le théâtre de l’opprimé est avant tout un espace d’entraînement à la lutte contre les dominations vécues par les opprimé.e.s. (et non les victimes) c’est-à-dire toutes celles et ceux qui luttent contre les mécanismes de domination et d’assignation aux rôles subalternes auxquels iels sont réduit.e.s. C’est en cela qu’il est révolutionnaire car il vise à déceler, analyser et renverser les rapports de domination structurant nos sociétés contemporaines.
L’opprimé.e n’est donc pas une victime car elle est en lutte (ou en voie de le devenir) disposant des ressources nécessaires à sa propre émancipation, contrairement à la victime qui se trouve dans un contexte d’oppression tellement inégal et défavorable qu’elle n’a pas la possibilité de lutter. Il ne s’agit pas seulement du désir de lutter mais bien de la possibilité. En ce sens, un enfant souffrant de malnutrition est par exemple victime de la sècheresse, des conséquences d’une agriculture intensive tournée vers l’exportation, de politiques publiques défaillantes, etc. mais ne peut être considéré comme opprimé car la situation dans laquelle il se trouve ne lui permet de réellement lutter contre les causes de sa malnutrition. La même chose pour la femme violée, le sans-papier face à des agents Frontex, un travailleur licencié abusivement et arbitrairement par ses supérieurs,… Toutes ces personnes sont victimes.

Mais un.e opprimé.e n’est pas non plus une personne souffrant d’une discrimination ou d’un harcèlement au niveau de sa seule personne, aussi grave et injuste soit-elle. Une femme, cadre d’entreprise qui tous les jours quand elle passe dans le couloir du métro se fait importuner par une personne sans domicile fixe lui faisant la manche n’est pas opprimée par cette personne. Dérangée, incommodée peut-être mais non opprimée. Tout du moins dans le sens par lequel nous entendons et défendons ce terme quand nous faisons du TO. Car il y a oppression quand on peut considérer que le groupe social de la personne en question est effectivement opprimée par le groupe social de l’ « importuneur » qui devient en ce sens « oppresseur ». Le groupe social des « femmes cadres d’entreprise » n’est pas « opprimé par le groupe social des « personnes SDF ». L’oppression est donc de classe, de race, de genre,etc. Elle n’est jamais une affaire individuelle. Elle est le résultat de constructions sociales qui amoindrissent, minorisent et « subalternalisent » certains groupes sociaux au profit d’autres groupes. Ce n’est pas la conséquence à « pas de chance », à des décisions individuelles malencontreuses ou à des trajectoires de vie non illuminées par les dieux mais à la division sociale inégale de nos sociétés capitaliste hétéropatriarcale et raciste.

Replacer les débats au niveau des groupes sociaux auxquels font partie nos personnages est donc un élément indispensable dans la construction de scènes de TO. Raison pour laquelle nous les concevons comme des « personnages-archétypiques » c’est-à-dire des personnages représentant d’une certaine manière toutes les personnes faisant partie de ce groupe social, pouvant ainsi potentiellement vivre les mêmes situations d’oppressions pour ce qu’elle sont, pour ce qu’elles représentent dans l’imaginaire collectif et au vu de leur position sociale (réelle ou attribuée). Telle est la condition de la puissance du TO. A travers une histoire à priori singulière ouvrir un espace d’analyse et de réflexion collective sur les différents possibles mécanismes de lutte pour tous.te.s les opprimé.e.s vivant ou pouvant vivre ces mêmes situations illustrées dans la scène de TF/TI. Une histoire illustrant par exemple un jeune vivant au quotidien des contrôles au faciès va parler à tous les autres jeunes subissant ce même type d’oppression, même si l’espace-temps de la scène est singulier et propre à ce personnage. La même chose par exemple concernant une histoire d’une femme de ménage étrangère vivant des conditions de travail épouvantables, une femme lesbienne subissant du harcèlement moral sur son lieu de travail à cause de son orientation sexuelle, une personne âgée ne pouvant réaliser ses démarches administratives à cause de son « illettrisme » digital, etc., etc. Au-delà des contextes particuliers de toutes ces histoires, il y a des facteurs structurels qui conditionnent les possibilités d’action des acteurs en présences et reproduisent certains patterns contre lesquels les opprimé.e.s peuvent s’entraîner à lutter.

L’exercice du « combat des coqs » en plaçant les participant.e.s dans la peau non plus dans la peu du seul personnage (l’opprimé.e X et l’oppresseur Y) mais dans celle de tous ceux et celles vivant et reproduisant cette oppression (les opprimé.e.s XX et les oppresseurs YY) permet de faire ce « saut qualitatif », condition indispensable à un théâtre à portée politique à différence d’autres formes théâtrales plus thérapeutique car se centrant plus sur le vécu singulier de la « victime ».