Des Massaïs à Han-sur-Lesse

Mise en ligne: 23 novembre 2012

Du bon usage des stéréotypes en éducation interculturelle, par Jean Claude Mullens

« Venez faire connaissance avec le peuple d’Afrique le plus renommé. La différence entre mythe et réalité ne vous décevra pas ». Ces phrases ne sont pas de Karl Hagenbeck [1], revendeur d’animaux sauvages et promoteur des principaux zoos européens, qui décida dès 1874 d’exhiber des Samoa et des Lapons comme populations « purement naturelles ».

Non, cette « chaleureuse invitation » à venir « faire connaissance avec le peuple d’Afrique le plus renommé » vient du site internet d’une association belge, initiatrice d’une exposition vivante sur les Massaïs dans le Domaine des grottes de Han, en Wallonie.

L’originalité de cette exposition est de présenter « de véritables Massaïs venus expressément du Kenya ». En effet, deux Massaïs, installés dans la reproduction d’un « authentique village massaï », ont été mis (se sont mis) à la disposition des visiteurs pour d’éventuelles questions sur « leurs coutumes ». Cet évènement exceptionnel en Europe a bénéficié du soutien de la Direction générale de la coopération internationale du Royaume de Belgique.

L’un des objectifs de l’association initiatrice de l’exposition est « de diffuser une image positive de l’Afrique, à l’opposé de celle habituellement donnée dans les médias ». Cet objectif est sans doute partagé par les organisateurs de concerts, festivals et autres soupers exotiques, où l’on cherche, à travers la diffusion d’images positives et « savoureuses » (valorisation) des cultures du Sud (dévalorisées), à promouvoir la rencontre des cultures et la tolérance vis-à-vis de l’altérité.

Sur base des travaux de Jacques Bries [2], il est possible d’énoncer de la manière suivante la démarche pédagogique sous-jacente à ce type d’action d’éducation interculturelle : afin de lutter contre les images négatives produites à l’égard de certains groupes (ex. « les Africains sont des sauvages »), des actions d’éducation interculturelle reprennent, produisent et diffusent des stéréotypes positifs (images positives et « savoureuses » des cultures dévalorisées). Ceux-ci se présentent comme une réfutation active d’un stéréotype négatif (« les Africains sont en réalité très sensibles et raffinés ») ou comme un investissement positif d’un trait caractérisant le groupe dévalorisé (Black is beautiful). Cette manière de procéder présente plusieurs écueils que j’illustrerai à partir du matériel en ma possession sur l’exposition massaï [3].

Pour les organisateurs de l’exposition, valoriser les Massaïs consiste d’abord et avant tout à mettre en exergue leur « statut » de peuple mythique [4]. Le prospectus de promotion est explicite à cet égard puisqu’il convie le visiteur : « A la découverte d’un mythe : fiers guerriers de la savane, chasseurs de lions et buveurs de sang, telle était l’image des Massaïs pour les explorateurs ». Le prospectus poursuit ainsi la présentation du mythe : « La littérature et le cinéma foisonnent d’histoires et de clichés [5] sur les Massaïs. Aujourd’hui encore, malgré la pression du monde moderne, les Massaïs maintiennent leur indépendance et toute la richesse de leurs traditions ».

Arrêtons-nous un instant sur ces deux propositions, qui illustrent assez bien le caractère ambivalent de cette exposition. Dans un premier temps, les auteurs rappellent très justement que la popularité des Massaïs tient largement aux clichés véhiculés par la littérature et le cinéma (colonial). Ensuite, dans un deuxième temps, il semble rassurer le visiteur sur la survie (« Aujourd’hui encore, malgré… ») de l’authentique culture massaï, qu’ils paraissent confondre, ou vouloir faire correspondre avec les clichés sur la culture massaï. En d’autres termes, l’adéquation entre d’une part les clichés diffusés à partir du XIX siècle dans la littérature et le cinéma et, d’autre part, l’image des Massaïs véhiculée par l’exposition, doit constituer une preuve de la survie de l’authentique culture massaï. Or, l’image que nous avons des Massaï à travers les films et les romans est fortement empreinte de représentations ethnocentristes, voire racistes.

Ces représentations ne nous don-nent dès lors que très peu d’informations sur les Massaïs de la période coloniale, et encore moins, bien sûr, sur les Massaïs contemporains. Dans le prolongement de ce qui vient d’être dit, il me semble capital de rappeler que toute représentation ethnocentriste donne bien évidemment plus d’informations sur les auteurs de ce type de représentation que sur les objets de ces représentations.

Les auteurs de l’exposition ne semblent donc pas voir la nécessité d’un véritable travail d’objectivation des stéréotypes des Massaïs dans l’imaginaire occidental. Pire, ils basent leur travail de sensibilisation aux réalités de cette société sur nos stéréotypes à son égard : « La différence entre le mythe et la réalité ne vous décevra pas ».

Le mythe des Massaï tient donc à une série de clichés positifs que les organisateurs de l’événement ont voulu mettre à l’honneur pour, comme nous l’avons vu plus haut, « diffuser une image positive de l’Afrique ». Ces clichés positifs peuvent être résumés par une série de propositions qui visent à justifier le caractère remarquable des Massaïs.

A partir des documents en ma possession sur l’exposition, j’ai donc dressé une sorte d’argumentaire en faveur de la culture massaïe.

Par rapport à la mise en forme de cet argumentaire, les mots entre guillemets proviennent des organisateurs de l’évènement. Les stéréotypes négatifs — « (images négatives) habituellement données dans les médias »— sont la plupart du temps implicites. Ils seront donc formés à partir de l’inversion du stéréotype positif. Enfin, pour chaque proposition, les éléments d’interprétation personnelle seront notés entre crochets.

Les Massaïs sont remarquables parce que…

  • 1. Ils ont une culture bien adaptée à leur environnement : « Même si cela peut paraître désuet [investissement positif d’un trait négatif : valorisation de l’économie et de la technologie « traditionnelle »], le maintien de la culture traditionnelle offre la sécurité à l’éleveur de rester indépendant culturellement et économiquement… » [On retrouve dans cette caractérisation de la culture massaïe la réminiscence d’un fonctionnalisme naïf construit autour de l’idée selon laquelle toute culture serait un système en équilibre stable. Comme l’explique Denys Cuche [6] « la critique adressée au fonctionnalisme consiste à rappeler que cette proposition (toute culture serait un système en équilibre stable) aboutit à une tautologie : si tout élément dans une culture est fonctionnel, répond à une nécessité, alors toute culture fonctionne bien par définition ». Par ailleurs, on retrouve dans le discours tenu à l’égard de la culture massaïe, le bon vieux mythe de l’isolat et de l’indépendance par rapport au monde extérieur tant affectionné par l’« ethnologie de papa ». A cet égard, les concepteurs de l’exposition gagneraient beaucoup à lire Logiques métisses [7]. Dans cet ouvrage, Amselle propose en effet de substituer une approche « continuiste » à de l’ancienne approche « discontinuiste » des cultures. Selon cet auteur, toute culture étant le produit d’interactions sociales, on peut estimer que les cultures sont de proche en proche interdépendantes et en continuité les unes avec les autres [8]. Dès lors, l’affirmation d’indépendance culturelle et économique semble être plus une utopie romantique qu’une réalité sociale objective. Enfin, comme pour casser ce mythe de l’isolat de l’indépendance, on voit dans le film, réalisé par les « ethnographes » de l’exposition, un Massaï qui porte, lors de la réalisation d’un rituel, une montre au poignet, l’inscrivant de facto dans un réseau d’échange et de relation plus large que celui de l’unique société traditionnelle massaïe).
  • 2. Ils ont de riches traditions (stéréotype négatif implicite : ils ont de pauvres traditions) : « Aujourd’hui encore, malgré la pression du monde moderne, les Massaïs maintiennent leur indépendance et toute la richesse de leurs traditions ». (Cette proposition est évidemment fallacieuse puisque l’appréciation riche est éminemment relative. Par ailleurs, cette phrase laisse penser que certaines traditions sont plus « pauvres » que d’autres, insinuant par là qu’il existerait des critères objectifs permettant d’évaluer la richesse ou la pauvreté d’une culture. Cette idée rentre bien entendu en opposition avec les principes fondamentaux de l’anthropologie moderne, qui considèrent que les cultures humaines sont toutes égales et de même valeur intellectuelle.

Enfin, à la lecture de ce passage, je ne peux m’empêcher de penser à ce lieu commun qui dit que les pauvres, comme pour compenser leur pauvreté, ont de riches traditions. Riches traditions que l’on a d’ailleurs vite fait de qualifier de « folkloriques » et de « hautes en couleur ».

  • 3. Ils sont « soucieux de préserver leur culture et de la faire partager » [stéréotype négatif implicite : ils se fichent de leur culture et de la faire partager] : « dans un authentique [9] village massaï, des Massaïs venus expressément du Kenya font découvrir leurs coutumes aux visiteurs ». Un contact direct avec des représentants d’un peuple soucieux de préserver sa culture et de la faire partager ». [Selon les organisateurs de l’exposition, les Massaïs sont donc par nature des conservateurs. Conservateur : « personne qui a la charge des collections d’un musée ». On peut aisément imaginer que pour nos « ethnographes » du monde massaï, les objets de ce musée sont d’une part les Massaïs eux-mêmes — comme représentant vivant d’une culture présentée comme fossilisée—, et d’autre part les objets de type ethnographique qui attestent de l’authenticité des Massaïs. Ce qui frappe également dans le portrait de ces Massaïs de musée, c’est leur nature foncièrement altruiste, puisqu’ils ont accepté de figurer dans la reproduction d’un authentique village massaï implanté à des milliers de kilomètres de chez eux, à seule fin de partager leur culture. La dimension économique de cette exhibition est bien évidemment passée sous silence, de sorte qu’il nous semble naturel que des individus s’expatrient avec comme seul dessein de partager leur culture : à quand « un authentique village belge » chez les Massaï ? Le caractère humiliant (être un objet « exotique », sujet à l’observation de milliers d’individus) de cette exposition ne pèse pas bien lourd face au souci qu’auraient les Massaïs de partager leur culture. En définitive, l’affirmation du souci de « partage » des Massaïs permet aux organisateurs de l’exposition de transcender la nature foncièrement inégalitaire de l’échange].
  • 4. Ils sont proches de la nature et la protègent [stéréotype négatif implicite : ils sont éloignés de la nature et la polluent] : « Les Massaïs contribuent à la présence de nombreux animaux sauvages » ou « leurs connaissances et leur respect de l’environnement en font de véritables garants de ce vaste territoire d’Afrique de l’Est, à la faune unique et impressionnante ». « Malgré bien des différences culturelles, les pasteurs massaïs sont également soucieux de promouvoir un tourisme respectueux de l’environnement ».

« Saviez-vous que la plupart des parcs du Kenya et de Tanzanie qui, chaque année, attirent plus d’un million de touristes en quête de safaris, se trouvent en pays massaï ? ». [L’Afrique dans l’imaginaire occidental est la plupart du temps associé à une nature luxuriante. D’ailleurs, la girafe et l’éléphant ne tiennent-ils pas lieu de monument emblématique de la culture africaine ? La connexité entre l’homme et l’animal est si forte en Afrique, que les organisateurs de l’événement, ont cru bon d’installer l’« authentique village massaï » à côté d’un rhinocéros empaillé et à proximité d’une réserve animalière. A côté de ces considérations, il est intéressant de noter que le stéréotype négatif implicite pourrait facilement être attribué aux sociétés du Nord qui sont éloignées de la nature à cause de la technologie — constructions, voitures, routes— et la polluent avec la technologie —voitures, émission de CO2 des usines—. L’implicite de ce discours est que l’absence de technologie est une bonne chose pour l’Afrique puisqu’elle lui permet d’être plus proche de la nature —sa nature—, et nous permet également de sauvegarder des grands espaces « vierges » en souvenir de notre nature « perdue » ; qu’il est d’ailleurs possible de redécouvrir grâce à l’écotourisme, un type de tourisme principalement axé sur la découverte de la nature].

  • 5. Parce que les Massaïs ne man-quent pas d’intérêt ethnographique [stéréotype négatif implicite : les Massaïs sont dénués d’intérêt ethnographique] : Pour preuve, l’exposition est le résultat de trois années de recherche sur le terrain. De plus, « près d’un millier d’objets composent la large collection ethnographique présentée dans l’exposition : calebasses richement décorées, ustensiles ménagers, outils, armes et fameuses parures de perles qui ont fait la renommée des Massaïs ». [Le caractère « ethnographique » de l’exposition apporte une caution scientifique à cette exposition. Elle stimule également l’imagination. En effet, le visiteur peut aisément se projeter dans une fantasmatique recherche ethnographique en pays massaï. A la manière d’Indiana Jones ou d’Evans-Pritchard — le client est roi—, le visiteur pourra, si il en a les moyens, partir à la découverte des Massaïs. Et, ainsi, marcher dans les pas des grands ethnologues et explorateurs. Dans un numéro spécial des Nouvelles de Survival consacré à l’ethnotourisme, Jean-Claude Monod insiste sur la remise à la mode des « primitifs » et voit dans l’ethnotourisme ainsi que dans l’écotourisme un prétexte pour les entreprises touristiques à engranger encore plus de bénéfices. « La folklorisation et la commercialisation des cultures peuvent effectivement apparaître déstructurantes sur le plan identitaire et l’ethnotourisme s’apparenter à une manière plus humaine ou …plus rentable d’utiliser les populations autochtones » [10]. Il y aurait énormément de choses à dire à ce sujet, mais faute de temps, nous en resterons en ce qui concerne l’instrumentalisation de l’ethnologie à des fins de promotion touristique].
  • 6. Parce qu’ils ont un mode de vie original [stéréotype négatif implicite : ils ont un mode de vie ordinaire] : « La vie des Massaïs est jalonnée de cérémonies qui marquent les cycles des classes d’âge. De la naissance à la mort, l’homme et la femme massaïs évoluent au sein d’une communauté à forte identité qui voue un culte à son dieu unique : Enkaï ». [Par original, il faut bien sûr comprendre mode de vie différent du mien. L’originalité des Massaïs est donc purement relative, ceci traduit assez bien l’ethnocentrisme de l’exposition].
  • 7. Parce qu’ils ont une société sans chef [stéréotype négatif implicite : ils ont une société hiérarchisée] : « Chez les Massaïs, il n’y a pas de chef. Chaque éleveur est maître chez lui, responsable de son troupeau et de sa famille [étrange connexité des mots troupeau et famille] ». [Voilà énoncé un bon vieux lieu commun. En effet, comme l’explique F. Rognon [11], « les sociétés primitives se définissent avant tout, par opposition à nous, par leur inachèvement, leurs insuffisances. Les termes qui les qualifient —négativement—, dans le grand public comme chez les anthropologues, nous conduisent à dresser l’inventaire de leurs manques : sans histoire, sans Etat, sans écriture… Les sociétés primitives sont des sociétés sans ». La société massaï est donc — contrairement à nous— sans chef. Cette caractéristique rappelle également le portrait que faisait Montaigne [12] des « cannibales » : « C’est une nation, diroy je à Platon, en laquelle il n’y a aucune espèce de trafique ; nulle cognoissance de lettres ; nulle science de nombres ; nul nom de magistrat, ny superiorité politique ». Toujours selon Montaigne les habitants de ces contrées lointaines sont des gens « sans lettres, sans loy, sans roy, sans religion quelconque ». L’éducation interculturelle participe ainsi à la diffusion de ce genre de vieux lieux communs].
  • 8. Parce que l’harmonie règne au sein de la communauté [stéréotype négatif implicite : le chaos règne chez les Massaïs] : « Un conseil des anciens maintient la bonne entente et règle les différends entre les membres d’une même section ». « Le leibon maintient l’harmonie au sein de la communauté, le konono, le forgeron, maîtrise les forces occultes et fournit les armes, l’herboriste détient les secrets des plantes médicinales, les sages-femmes ordonnent les initiations des filles ». [Pour les organisateurs de l’exposition, la société massaïe s’apparente sans doute aux sociétés de fourmis. En effet, comme chez les fourmis, les Massaïs vivent dans un monde où chacun à une fonction bien déterminée. Cette organisation fonctionnelle de la société apparaît pour les organisateurs de l’exposition, comme une garantie d’harmonie au sein de la communauté. On retrouve donc ici le fantasme d’une société utopique bien « huilée », où chacun trouve sa place au sein de la communauté].

En guise de conclusion, on retiendra tout d’abord le côté caricatural des arguments utilisés pour valoriser la culture des Massaïs. On notera également l’importance des représentations ethnocentristes des Massaïs. Cette observation est d’autant plus évidente si l’on classe les stéréotypes négatifs en deux types, et si l’on fait l’hypothèse que les stéréotypes négatifs du deuxième type s’adressent en fait à notre société. a. Les stéréotypes négatifs issus des représentations négatives véhiculées dans notre société à l’égard des sociétés « traditionnelles ». Stéréotypes : 1 (ils ont une culture désuète/archaïque) et 2 (leurs traditions/cultures sont pauvres) b. Les stéréotypes négatifs de notre société à l’égard d’elle-même. Stéréotypes 3 (nous ne sommes pas soucieux de préserver notre culture et de la partager), 4 (nous ne sommes pas proches de la nature et nous la polluons), 5 (notre culture manque d’intérêt ethnographique), 6 (nous avons un mode de vie ordinaire ), 7 (nous vivons dans une société hiérarchisée), 8 (le chaos règne au sein de notre communauté).

Le stéréotype 1 valorise la culture « archaïque » (investissement de sens positif d’un trait culturel dévalorisé dans notre société). Quant aux autres stéréotypes négatifs, ils sont implicites. Ceux-ci sont construits par inversion du stéréotype positif. On observera également que les stéréotypes positifs de type a et b visent à démontrer que le groupe dévalorisé… —n’est pas ce que l’on dit qu’il est, mais le contraire (a). —vaut mieux que nous (b).

Ce rapport à l’altérité s’apparente aux discours sur l’exotisme tel que l’envisage Tzvetan Todorov [13]. En effet, selon cet auteur, l’exotisme est moins une valorisation de l’autre qu’une critique de soi (b). Par ailleurs, il est très éclairant de noter avec Todorov que « l’exotisme est un relativisme au même titre que le nationalisme, mais de façon symétriquement opposée : dans les deux cas, ce qu’on valorise n’est pas un contenu stable, mais un pays et une culture définis exclusivement par leur rapport avec l’observateur (…). Il s’agit donc dans les deux cas d’un relativisme rattrapé à la dernière minute par un jugement de valeur (nous sommes mieux que les autres ; les autres sont mieux que nous), mais où les entités comparées, nous et les autres, restent, elles, purement relatives » [14].

On peut donc dire que l’usage de stéréotypes positifs présente deux grands écueils. Ceux-ci sont d’une part l’exotisme, et d’autre part l’ethnocentrisme. Ces deux obstacles ne favorisent évidemment pas l’indispensable travail de décentration (conscience de son encrage social et culturel). Ils empêchent également la compréhension vis-à-vis de l’altérité, puisque ils sont fondés sur la méconnaissance. En définitive, on peut donc dire que l’ethnocentrisme et l’exotisme ne participent nullement à une hypothétique rencontre des cultures.

Texte publié originalement dans Antipodes n° 155, de juin 2001.

[1Bancel N., Blanchard P., Lemaire S., Le spectacle ordinaire des zoos humains, in Manière de voir n° 58, juillet-août 2001, pp. 40-45.

[2Bries J., « Le jeu des ethnosociotypes », in Lieux communs, topoï, stéréotypes, clichés, Paris, Ed. Kimé, 1993, pp 75-83. Pour la définition de la notion de stéréotype : Leiris M., Cinq études d’ethnologie, Paris, Denoël- Gonthier, 1969, p.79.

[3Mes informations sur l’exposition Massaï viennent principalement de deux sources : le site internet de l’association à l’origine de l’exposition, ainsi que la brochure de promotion de l’événement. J’ai par ailleurs eu la chance de visiter l’exposition.

[4Ce mythe est intimement lié à l’épopée coloniale. Ce sont précisément les clichés associés à cette époque que s’emploient à faire revivre les organisateurs de l’exposition : « une évocation de l’histoire du Safari vous plongera dans les grandes chasses et les voyages des explorateurs à la recherche des sources du Nil et d’autres émotions fortes ».

[5On peut se demander quelle valeur attribuent à ce terme les concepteurs de l’exposition : clichés ayant à mon sens une connotation négative (cf. stéréotype).

[6Cuche D., Nouveaux regards sur la culture, in Sciences humaines n° 77- novembre 1997, p. 23.

[7Amselle J-L., Logiques métisses, Anthropologie de l’identité en Afrique et ailleurs. Paris, Ed. Payot.

[8Selon Amselle, « la définition d’une culture donnée est en fait la résultante d’un rapport de forces interculturel : la culture spatialement dominante détient la faculté d’assigner aux autres cultures leur propre place dans le système, faisant de celle-ci des identités soumises ou déterminées. Il existe donc des cultures qui ont le pouvoir de « nommer » d’autres cultures, de circonscrire le champ de leur propre expression tandis que d’autres n’ont que la capacité d’être nommées.

[9Pour rappel, on qualifie d’authentique ce que l’on ne peut contester. C’est ainsi que sur base de critères précis, « qu’on ne peut contester », des labels garantissent l’authenticité de certains produits de consommation. Dès lors, utiliser l’adjectif authentique pour qualifier des individus et des cultures me paraît pour le moins inapproprié.

[10Jean-Claude Monod, cité par Franck Michel, Désirs d’ailleurs, Paris, Armand Colin, 2000, p. 199.

[11Rognon F., Les Primitifs, nos contemporains, Paris, Hatier, 1988, p. 11.

[12Cité par Todorov T., Nous et les autres. La réflexion française sur la diversité humaine, Paris, Seuil, 1989, pp. 356-357.

[13Op.cit.

[14Ibid., p. 355.