Se former à l’Ecole des parents migrants

Mise en ligne: 17 juillet 2012

Les parents migrants ont du mal à convaincre leurs enfants de suivre une scolarité tant qu’eux mêmes ne trouvent pas un travail égal à leurs compétences, propos de Ghislaine Molai recueillis par Antonio de la Fuente

  • Ghislaine Molai, vous êtes la coordinatrice
    d’Espace Impulse, association qui vise l’insertion
    professionnelle des groupes défavorisés
    à Bruxelles. Pourquoi avez-vous créé
    l’association ?
  • Espace Impulse a été constituée en mars
    2000. Les membres fondateurs sont originaires
    de l’Afrique subsaharienne et ont pour objectif
    de s’organiser pour apporter leur aide à l’insertion
    socioprofessionnelle des groupes défavorisés,
    principalement ceux originaires de l’Afrique
    subsaharienne, mais aussi immigré et chercheur
    d’emploi fragilisé. Parce qu’ayant nousmêmes
    vécu les diverses difficultés que les
    étrangers rencontrent pour s’insérer dans le
    tissu social belge, nous avons pensé mettre nos
    expériences au service des autres. A l’Espace
    Impulse nous sommes convaincus que pour
    faciliter l’insertion sociale d’un adulte immigré,
    il lui faut trouver un travail où il peut gagner
    dignement sa vie, sans complexes. Et la
    tête haute il pourra aller vers l’autre et donner
    un cadre de vie stable à l’éducation de ses enfants.
  • Vous avez mis sur pied avec ITECO un
    atelier de formation nommé Ecole des parents
    migrants ?
  • L’Ecole des parents migrants est un projet
    d’éducation permanente initié au sein de l’Espace
    Impulse pour permettre l’amélioration des
    rapports interculturels entre allochtones et
    autochtones pour favoriser l’insertion sociale
    culturelle et professionnelle des familles migrantes.
    L’idée vient du constat que de plus en
    plus de parents issus de l’immigration de
    l’Afrique subsaharienne sont confrontés au décrochage
    scolaire de leurs enfants, aujourd’hui
    citoyens belges, et aux incivilités et actes délictueux
    commis par ces derniers. Le fait est qu’il
    existe un grand décalage entre le fonctionnement
    des familles migrantes et celui de l’école
    en raison des modèles éducatifs et culturels
    différents. Du reste, ces comportements inadaptés
    font naître de la méfiance et des réactions
    xénophobes chez les autochtones. Les
    parents d’origine subsaharienne ont du mal à
    convaincre leurs enfants de suivre une scolarité
    normale aussi longtemps qu’eux-mêmes ne
    trouvent pas du travail égal à leurs compétences.
    Après avoir contacté différentes associations
    de formation interculturelle, nous avons
    arrêté notre choix sur ITECO, avant tout parce
    que les animateurs rencontrés avaient bien
    compris notre souci d’apporter à des membres
    relais des familles migrantes des informations
    et une formation qui leur permettraient de faire
    évoluer certains de leurs modèles éducatifs,
    mais aussi qui leur permettraient de mieux
    comprendre leur pays d’accueil, dans son évolution
    et sa mentalité de base. C’est la raison
    pour laquelle nous avons nommé cet atelier
    Ecole des parents migrants : l’école, c’est l’endroit
    idéal pour donner et recevoir car les parents
    viennent pour apprendre, mais aussi pour
    partager leurs expériences et leurs connaissances
    avec le groupe. A ITECO, nous avons rencontré
    les personnes et une organisation aptes à
    coordonner pédagogiquement notre projet avec
    l’expertise attendue.
  • Comment appréciez-vous l’expérience des
    ateliers de l’Ecole des parents migrants ?
  • Elle nous a apporté tant aux organisateurs
    qu’aux participants un grand nombre d’enseignements
    qui nous ont fait réviser certaines de
    nos habitudes acquises, mais aussi nous a
    donné une ouverture d’esprit et une meilleure
    compréhension de notre société d’accueil.
    L’équipe des animateurs, sous la coordination
    d’ITECO, avait une très bonne connaissance
    du public et a donc pu toucher les points sensibles
    pour faire évoluer les mentalités. Nous
    comptons réaliser une deuxième édition début
    2005 avec quelques nouveautés par rapport au
    déroulement de l’activité.
  • Vous êtes vous-mêmes un opérateur de formation
    envers les communautés migrantes
    vivant en Belgique. Pourquoi les migrants
    ont-ils besoin de se former ?
  • Avant tout c’est par simple nécessité. Un nouvel
    arrivant doit se former ne fût-ce que pour
    apprendre la langue du pays d’accueil pour
    pouvoir communiquer et pour connaître les
    institutions. Les problèmes d’équivalence que
    nous connaissons ici obligent à une formation
    supplémentaire ou une remise à niveau pour
    améliorer nos chances de trouver un travail décent
    qui conviendrait le mieux à l’épanouissement
    personnel. Mais nous constatons aussi le
    besoin de se former à une certaine approche
    culturelle. Le brassage des cultures étant de
    plus en plus dense, la rencontre avec l’autre
    suscite de plus en plus de questionnements.
    C’est bien connu que ce que l’homme ne comprend
    pas, il le rejette, et ce rejet peut parfois
    atteindre une telle agressivité qu’elle rend alors
    la cohabitation difficile. De ce fait, la formation
    via divers vecteurs comme l’animation
    culturelle, la sensibilisation par des séminaires
    ou ateliers interculturels est fondamentale.
  • Est-ce que l’offre de formation existante
    vous semble suffisante et appropriée ? Ou,
    au contraire, pensez-vous que les formations
    proposées ne sont pas adaptées pour les
    communautés migrantes ?
  • Petit à petit nous voyons de nouvelles communautés
    s’installer en Belgique. Il y a eu les
    Italiens, les Turcs, les Marocains, et
    aujourd’hui les étudiants africains qui ne sont
    plus jamais rentrés chez eux et regroupent leurs
    familles en Belgique, des grands-parents aux
    petits-enfants ; leur nombre augmente et on ne
    peut plus les ignorer. Nous devons reconnaître
    que beaucoup d’efforts ont été effectués pour
    améliorer la formation des personnes migrantes.
    Tant sur le plan professionnel
    qu’interculturel. Toutefois, si nous pensons
    qu’il faut organiser certaines formations spécifiques
    et mieux adaptées pour faciliter l’intégration
    des nouveaux arrivants, nous pensons
    aussi que les communautés migrantes ont les
    mêmes droits et n’ont pas à être discriminées
    concernant les formations : un Congolais peut
    aussi bien apprendre l’informatique dans la
    même classe qu’un Belge de souche ; il faut
    donc éviter la stigmatisation, la ghettoïsation
    si je peux me permettre ce mot. Mais l’offre
    est encore en dessous de la demande ; il suffit
    d’aller à Bruxelles–formation, pour ne citer
    que celle-là, pour constater le nombre de personnes
    en attente.