Stéréotypes et réalités de l’agriculture mondiale dans les écoles du
Grand-duché de Luxembourg, propos de Nathalie Keipes recueillis par Antonio de la Fuente
Nathalie Keipes, vous travaillez au Cercle de coopération des ONG du Grand-duché de Luxembourg. Le premier semestre 2005 a été celui de la Présidence luxembourgeoise du Conseil Européen. Comment les ONG luxembourgeoises se sont-elles engagées ?
• Le volet politique du Projet Présidence luxembourgeoise 2005 « Pour une Europe solidaire » s’est accompagné d’un volet de sensibilisation en milieu scolaire. Sur l’ensemble du Grand-duché, une trentaine de classes fut sensibilisée à différentes thématiques liées au monde rural et au développement durable. Des thèmes tels que la réalité sociale des paysans, la Politique agricole commune, la biodiversité, le brevetage, les exportations européennes en Afrique et les Objectifs du millénaire ont été abordés.
La terre produit assez de nourriture pour alimenter l’ensemble de la population mondiale. Comment se fait-il alors que parmi les 6 milliards d’habitants sur terre, 840 millions souffrent de malnutrition ? Trois-quarts des sous-alimentés sont des paysans et leurs familles ! Pourquoi les personnes censées nourrir le peuple souffrent-elles de faim ? Voici quelques questions qui ont interpellé directement les élèves luxembourgeois.
• Et en quoi ces élèves sont-ils directement concernés par ces questions ?
• Une bouchée à la reine avec frites, une banane et un dessert au chocolat, voilà un menu de cantine très commun au Luxembourg. Mais quelles sont les origines de ces produits ? Qui est le grand gagnant dans le commerce de la banane ? Pourquoi les producteurs européens de lait ont-ils du mal à survivre ? Pourquoi le prix du cacao ne cesse de diminuer ? En quoi le marché africain est-il détruit par l’importation de poulets européens ?
L’analyse des différentes causes de la pauvreté en milieu rural a été suivie par le portrait type de quelques familles d’agriculteurs. Les élèves ont eu ainsi l’occasion de connaître les répercussions de cette situation difficile sur la vie quotidienne de la famille, du village et de la région. Ces modules de sensibilisation, répartis sur quatre séances de cours, ont été proposés aux classes du niveau inférieur de l’enseignement secondaire.
• L’agriculteur européen riche avec son grand tracteur, est-ce un stéréotype ou une réalité ?
• Justement. Les classes du niveau supérieur ont analysé la situation des agriculteurs européens et les grands principes de la Politique agricole commune. A cette occasion un film a pu être réalisé avec quatre agriculteurs luxembourgeois qui expliquent notamment le système des primes dont ils sont complètement dépendants. Les élèves ont découvert également lors des travaux de groupe comment a pu se réaliser la chute énorme des prix des produits alimentaires et que finalement le marché alimentaire n’a pas échappé à la mondialisation générale du commerce.
Les ateliers suivants ont davantage analysé la situation des paysans du Sud à travers les sujets de l’exportation massive de poulets congelés, du brevetage des céréales de riz par des multinationales et de la paupérisation des populations agricoles. Deux partenaires du Sud sont venus participer aux ateliers, un paysan camerounais et un représentant d’une coopérative péruvienne. Ceci permettait un contact et un échange direct sur les éventuelles solutions et possibilités d’action pour les jeunes.
Les ONG participantes au projet sont Transfair-Minka, Caritas, SOS-Faim, Aide à l’enfance de l’Inde, Lëtzebuerger Jongbaueren a Jongwënzer, Action solidarité tiers monde et Frères des hommes. Le projet Présidence est coordonné par le Cercle de coopération des ONG de développement, la plateforme des ONG luxembourgeoises.