Des membres de l’Assemblée générale s’expriment sur le passé, le présent et l’avenir d’ITECO, à l’occasion de ses quarante ans, en 2004, propos recueillis par Antonio de la Fuente
Christine Kulakowsky, directrice du Centre bruxellois d’action interculturelle
« Je pense que je suis membre de l’AG d’ITECO depuis 1993, puis du CA entre 1999 à 2001, j’ai même assuré la Présidence pendant une courte période entre 1999 et janvier 2001. Jacques Bastin était encore secrétaire général. J’ai participé en 1991 à une formation donnée par ITECO autour d’un exercice, « le jeu des cinq questions » (j’ai un souvenir inoubliable d’avoir « fait la paire » avec Hélène Pastoors). J’ai alors découvert que l’approche des acteurs sociaux qu’avait ITECO, soit celle de partir de nos propres « cadres de référence culturels » pour parler de la « relation à l’autre » était très similaire à celle du CBAI. A partir de là, outre la relation de collaboration qui s’est instaurée entre les deux associations, il m’a été proposé de rejoindre l’AG d’ITECO. A ce moment-là, ITECO voulait également travailler sur le thème de la communication et de la négociation interculturelle, alors que le CBAI était intéressé par les approches en formation d’ITECO en termes de relations inégalitaires Nord Sud et de modèles culturels de développement. Une complémentarité donc à cultiver... «
Actuellement, en ce début 2004, je ne fais partie que de l’AG et j’ai donc une visibilité moindre de l’action et des débats de l’équipe d’ITECO, d’autant plus que j’ai été absente de plusieurs AG étant donné la charge de mes nouvelles fonctions professionnelles depuis janvier 2001. En quelque sorte, il y a eu rupture de continuité, due également au fait que mes liens à ITECO étaient aussi liés à des personnes, qui entre-temps ont quitté l’ONG ou y ont diminué leurs activités. Ma participation au Red Nord-Sud, grâce à l’invitation d’ITECO, s’est située aussi en continuité, dans le domaine de l’éducation au développement. Il se fait que cette continuité est aussi en rupture pour le moment... Ceci dit, au vu des actions présentées dans le rapport d’activités 2003 et par la lecture régulière d’Antipodes, je perçois une continuité dans les questions héritées et les enjeux de société relevés.
« Un souhait ? Refaire connaissance entre les actuelles (et nouvelles) équipes du CBAI et d’ITECO, participer à des modules de formation commun, du style « formation de formateurs »... Un rêve (au-delà du souhait) ?! Un réseau de l’action interculturelle à Bruxelles et en Communauté française, et au-delà... Il y a aussi urgence ... » •.
• Christiane Glinne, vous avez été présidente d’ITECO entre 1992 et 1995 et vous restez depuis lors membre de l’AG d’ITECO. Qu’est ce qui a motivé votre choix de l’intégrer ?
• L’idée qu’une association, une ONG ou un individu se met en question avant de développer un projet de développement soit ici ou dans le Sud.
• Entre ITECO du temps de vos premiers contacts et celui d’aujourd’hui, y a-t-il continuité ou rupture ?
• Une relative continuité dans un monde en constante et rapide évolution.
• Un souhait particulier pour les quarante prochaines années ?
• De continuer à rêver à l’utopie du bonheur des hommes et des femmes •.
• Yves Gobert, vous êtes le président d’ITECO. Qu’est ce qui a motivé votre choix pour le devenir ?
• J’ai travaillé à ITECO, à la revue et au Centre de documentation, qui s’appelait alors Centre d’information sur le développement, CID, et cela de fin 1979 à début 1985. Je suis resté dans le comité de rédaction de la formule d’alors de la revue. J’ai dû rentrer à l’AG un an ou deux après mon départ, je suis devenu à un certain moment membre du Conseil d’administration, puis après une éclipse due aux statuts -pas plus de deux mandats au CA en suivant-, je suis revenu au CA, et depuis 2000 je suis le président.
• Entre ITECO du temps de vos premiers contacts et celui d’aujourd’hui, y a-t-il continuité ou rupture ?
• Il y a continuité, bien sûr changements dans la continuité, ou évolutions importantes, mais continuité quand même, en tout cas depuis le projet de cadre spécial temporaire par lequel je suis rentré avant de devenir permanent du CID. C’est à partir de ce moment-là qu’ITECO est entré de plein-pied dans la pratique plus que dans le discours déjà préexistant du « Ici ou ailleurs, que faire ? » qui est, à mon sens, le fondement d’ITECO, son essence idéologique, approche en fait très précurseure dont ITECO peut être légitimement fière.
• Un souhait particulier pour les quarante prochaines années ?
• Je souhaite pour ITECO qu’il tienne bon dans son idéologie largement implicite d’où découlent ses conceptions de boulot à la fois pour le fond et la forme. Que les quarante années futures puissent allier évolutions positives, pérennisation du meilleur et amélioration de certaines faiblesses structurelles ! Cela ne mange pas de pain, mais cela devait être dit •.
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Gérard Karlshausen, président de la plate-forme belge de la Confédération européenne d’ONG Concord
« Je fais partie de l’Assemblée générale d’ITECO depuis les années quatre-vingt, époque dès laquelle le sens de la démarche entreprise par l’association me semblait -et me semble toujours- répondre à un réel besoin. Après une expérience de plusieurs années en Amérique Latine et alors que je continuais à suivre de nombreux projets dans divers continents, la formation des coopérants -et plus en général des personnes qui partent à l’étranger dans le cadre d’un projet à court ou plus long terme- m’interpellait régulièrement : développer une réflexion et des formations autour d’une critique positive ou négative de l’envoi de personnes m’a toujours semblé justifier l’existence d’un centre comme ITECO, le plus possible indépendant des ONG. Mais avec le temps, les préoccupations se sont élargies : les quinze dernières années ont profondément questionné la coopération telle que née dans la seconde moitié du vingtième siècle. L’opportunité d’un lieu qui permette de systématiser des analyses à ce sujet me semble aujourd’hui dépasser largement le travail de formation des futurs coopérants. « ITECO a su s’adapter aux débats qui entourent, depuis sa création, le monde de la coopération et plus en général de la solidarité internationale. Cela a pu mener parfois à une certaine dilution de ses démarches dans des approches fort vastes, noyant quelque peu ce qui avait fait l’originalité du projet de départ. Mais je parlerais plutôt d’une continuité que de ruptures. Les contacts que j’entretiens aujourd’hui avec de multiples organisations du Sud me confirment qu’une coopération bien comprise, à visage humain et menant à long terme des projets concrets, reste un outil extraordinaire de solidarité. Et qu’il s’agit en outre d’un moteur indispensable pour injecter, dans les grands débats altermondialistes, pratiques et connaissances partagées des luttes quotidiennes tant au Sud qu’au Nord. Sans celles-ci, l’indispensable construction de réseaux internationaux risque de tourner aux discussions de salon : internet ne remplacera jamais un engagement collectif autour d’un objectif concret. Encore faut-il donner aux acteurs de la coopération -au sens individuel ou collectif- les outils critiques qui leur permettent de transformer les réalités qu’ils fréquentent ou fréquenteront en tremplins pour de réels projets de solidarité. ITECO a encore dans ce domaine bien du pain sur la planche. « C’est pourquoi, je souhaite que son projet retrouve une place significative au sein d’un monde de la coopération non-gouvernementale beaucoup plus hétérogène qu’il y a trente ans mais qui, pour cela, a plus que jamais besoin d’analyses et des repères •. --------------------------------------------------------
• Bernard Duterme, vous êtes directeur adjoint du Centre Tricontinental et chef de rédaction de la revue Alternatives Sud. Vous faites partie de l’AG d’ITECO depuis 1998. Qu’est ce qui a motivé votre choix de l’intégrer ?
• ITECO est un des rares lieux de réflexivité sur les logiques et les acteurs de la coopération Nord-Sud, d’articulation de l’engagement et de l’analyse, de la participation et de la distanciation...
• Entre ITECO du temps de vos premiers contacts et celui d’aujourd’hui, y a-t-il continuité ou rupture ?
• Je n’ai pas vu de rupture, mais sans doute une ouverture positive vers l’interculturel et le terrain belge avec un risque induit de centrage sur les méthodes et les techniques.
• Un souhait particulier pour les quarante prochaines années ?
• Poursuivre la réflexion, pour l’action, sur le rapport à l’autre, proche et lointain, dans l’action à visée émancipatrice. Etre suffisamment fort et autonome pour que ce ne soient pas les clients solvables qui déterminent l’agenda, l’orientation et le produit •. -----------------------------------------------------
Alain Fohal, vous êtes permanent à Volens et membre de l’AG d’ITECO depuis 1991 et administrateur depuis 2000. Qu’est ce qui a motivé votre choix de l’intégrer ?
• Mon arrivée à l’AG d’ITECO est liée à mon arrivée au secrétariat de Volens à partir d’août 1991. En tant que seule personne d’origine francophone à ce moment-là à Volens, j’ai été invité à remplacer mes collègues et à assumer un certain nombre de représentations dans diverses instances ONG francophones. Par exemple, Intercodev, qui allait devenir Codev et plus tard Acodev ; l’AG du CNCD et aussi l’AG d’ITECO où Volens avait toujours eu un de ses membres présent, même si, en l’occurrence, les membres de l’AG sont là à titre personnel et non en tant que représentant officiel de leur ONG.
• A votre avis, entre ITECO du temps de vos premiers contacts et celui d’aujourd’hui, y at- il continuité ou rupture ?
• Ma connaissance initiale d’ITECO, de l’extérieur, était liée aux formations pour les candidats au départ, puis les formations directes. Lorsque j’ai rejoint l’AG d’ITECO, c’est clair que ma connaissance de l’ONG était essentiellement limitée à ces aspects de formation pour la coopération. Depuis mon entrée à l’AG d’ITECO et au cours de ces dernières années, j’ai noté une évolution dans le sens d’une plus grande diversification des produits et services offerts, vers d’autres publics et avec d’autres bailleurs de fonds. Mais est-ce une diversification réelle par rapport à ce que faisait ITECO il y a dix ans, donc diversification initiée à ce moment- là, ou est-ce plutôt par rapport à la perception que j’avais d’ITECO : diversification progressive entamée déjà depuis plus longtemps ? Fondamentalement, je ne vois pas de ruptures, mais plutôt une continuité dans l’évolution, avec des nouveaux métiers, produits et services qui se mettent en place. Sur le plan idéologique, il y a continuité. Mais j’ai parfois ressenti une sorte de rigidité dans le discours par rapport à des contextes changeants et à des démarches changeantes. Je parle ici des formations de coopérants. Je pense que l’arrivée de nouvelles personnes, mais aussi, dans la mesure où une bonne transition est organisée, le départ de quelques « dinosaures » est importante pour ITECO car, tout en assurant une continuité sur le fondamental, il y a apport pour renouveler et revivifier le message d’ITECO. Remarquez que je n’ai jamais fait le cycle d’orientation d’ITECO ni la formation directe. Je ne connais pas donc ces produits de l’intérieur.
• Un souhait particulier pour les quarante prochaines années ?
• Une équipe compétente et soudée porteuse d’un projet institutionnel clair ; un message porteur de sens, de repères, même à contre-courant ; une transition douce, mais volontariste entre les générations pour construire l’avenir. Et naturellement aussi, que des gens, organisations, autorités continuent à considérer qu’il est important d’investir dans la compréhension des mécanismes du développement et des relations avec les autres •.
• Etienne Van Parys, vous êtes secrétaire général d’Acodev. Vous faites partie de l’AG d’ITECO depuis 1984. Qu’est ce qui a motivé votre choix de l’intégrer ?
• Au départ, ma fonction de secrétaire général adjoint d’Intercodev, même si ce n’est pas un lien direct et strict, ensuite la problématique de la formation des ressources humaines -agents de développement- et les politiques de développement.
• Entre ITECO du temps de vos premiers contacts et celui d’aujourd’hui, y a-t-il continuité ou rupture ?
• Je dirais qu’il y a eu continuité plutôt de manière générale, ou bien une série de petites ruptures qui apparaissent comme une continuité. Un point central je pense a permis cela c’est qu’ITECO s’est axé autour de la pédagogie et méthodologie de l’interculturel, avec au départ un « cocon » particulier qui était celui de la formation et sensibilisation des volontaires de la coopération.
• Un souhait particulier pour les quarante prochaines années ?
• Un effet plus multiplicateur, plus visible, plus articulé avec d’autres secteurs. Une action centrale en matière de pédagogie et de méthodologie au sein du secteur ONG et bien sûr rayonnant vers l’extérieur ! •.