Court voyage à travers les mots à la découverte d’ITECO

Mise en ligne: 6 février 2007

Derrière les mots que nous utilisons aujourd’hui couve la manière dont nous nous définirons demain, par Antonio de la Fuente

Les mots sont réducteurs. Les mots sont bourrés d’implicites. Pourtant, les mots sont précis et révèlent malgré nous ce que nous sommes. Les mots que nous avons employé sont à l’image de ce que nous étions hier. Et l’image de ce que nous deviendrons se trouve dans les mots que nous utiliserons demain. Nous sommes ce que nous serons. Derrière les mots que nous utilisons aujourd’hui couve la manière dont nous nous définirons demain. Ces mots du futur n’attendent qu’à s’épanouir.

A sa naissance, ITECO s’est appelé « Coopération technique internationale » et ce sont ces mots-là qui ont été affichés sur la plaque de rue. A présent, nous dirions, mot par mot « Partenariat éducatif Nord-Sud ». Les mots qui se trouvaient dans notre boîte à outils d’alors étaient « aide volontaire aux populations du tiers monde à travers l’assistance technique en vue de leur développement ».

Vingt ans plus tard, au beau milieu des années quatre-vingt, on a rangé au grenier les mots « aide volontaire » et « assistance technique » et on a affiché sur la plaque de rue « Centre d’information sur le développement ». Cette revue s’est appelée alors « Peuples et libérations ». Nous dirions à présent « Sociétés civiles ou mouvements sociaux et changement social » ou à peu près. Les volontaires d’alors s’étaient regroupés en « comité » pour tenter d’agir au sein de notre propre société. Le mot « outremer » s’en est allé en catimini au grenier et à sa place ont pris place des mots comme « ici et ailleurs », comme « communication interculturelle », comme « décentration ». Celui-ci me plaît particulièrement, j’aimerais partir au grenier avec lui.

Nouveau bond, vingt ans en avant. Nous sommes en 2004. Sur la plaque de rue d’ITECO il y a une belle boussole à quatre pôles : moi, l’action, les partenaires et le contexte. Au grenier, bien rangés, des vieux mots comme « peuples » et « libérations ». Cette revue s’appelle à présent Antipodes, ce qui veut dire « le point le plus distant géographiquement » ainsi que « le contre-pied conceptuel ». Dans la boîte à outils des actuels formateurs d’ITECO, des mots tels que « partenariat », « Nord-Sud », « éducation au développement », « processus pédagogique », « évaluation et suivi », « objectifs spécifiques », « dispositif méthodologique », « indicateurs de résultat »... Tous ces mots sentent bon le « professionnel », mot qui porte son lot de promesses et de déceptions.

D’ici vingt ans, au grenier d’ITECO, les méthodologies prendront place parmi les assistances techniques et les libérations des peuples. Ils regarderont les mots du futur, vaillants mots, mots gaillards qui viendront pavoiser. Embusqués derrière les mots d’aujourd’hui, couvant dans une anfractuosité, dans une faille, les mots à venir sont déjà parmi nous. Nous sommes ce que nous serons.