Par les pays où l’on bourlingue

Mise en ligne: 17 août 2015

…et les risques et périls qu’on y encourt !, par Antonio de la Fuente

Que faire lorsque l’on se fait mordre par un serpent ?Comment réagir face à un tremblement de terre ou un douanier peu scrupuleux ? Ceux à qui ces graves questions tourmentent l’esprit, trouveront réponse dans l’émission de la RTBF Les carnets du bourlingueur, diffusée en haute saison touristique, au printemps et en été. De même qu’à l’antenne, le site internet www.rtbf.be présente un débordement de conseils pratiques « pour ne pas voyager idiot ».

La plupart de ces recommandations ont trait à des grandes et des petites bêtes —éléphants, crocodiles, serpents, lézards, chiens, mouches, fourmis et autres tiques et sangsues y vont et y viennent allégrement—, mais aussi à des êtres de taille moyenne, tels des dentistes, des taximen, des douaniers, des coiffeurs et des orpailleurs (si, si) qui labourent dans les pays où il fait plus ou moins bon bourlinguer.

C’est fou ce qu’on y apprend. Une visite chez le coiffeur peut avoir de graves conséquences sur l’état de santé, prévient le baroudeur cathodique. Se protéger en Asie d’un curetage foireux des oreilles n’est pas une mince affaire, à ce qu’il paraît. Faute de pouvoir y échapper, il faut choisir au moins un barbier non muni d’un appareil télé, ce qui devient rare à trouver :

« Le curetage des oreilles est un art pratiqué depuis la nuit des temps en Asie et chaque visite chez le barbier s’accompagne inéluctablement d’un désensablage des portugaises. A l’aide d’un coton-tige géant le barbier va crocheter et ensuite ferrer le cérumen avant de l’extraire du conduit, une opération délicate, qui plus est si le salon est équipé d’un téléviseur. Vous l’avez compris, cet art demande une attention soutenue car la moindre erreur de pilotage pourrait être fatale pour vos tympans. La dentisterie, tout comme l’art de curer les oreilles requiert une grande expérience mais aussi et surtout un matériel aseptisé, deux conditions qui sont rarement réunies dans les pays où l’on bourlingue. Alors, un conseil d’ami, fuyez comme la peste les dentistes et les barbiers sinon vous risquez bel et bien d’être charcuté ».

Tant de bon sens donne envie d’aller plus en profondeur dans la préparation d’un voyage. De savoir, par exemple, comment s’y prendre pour immortaliser un enterrement :

« Pour les enterrements, vous éviterez de mitrailler lors de la mise en bière. Très souvent, celle-ci a coulé à flots durant plusieurs jours et la fin de la fête s’accompagne de règlements de comptes et de bagarres auxquelles il vaut mieux ne pas être mêlé. Si vous tenez à votre matériel, vous veillerez à ne pas enfreindre cette loi. Avec l’expérience, vous apprendrez bien vite que dans les situations les plus intenses, mais aussi les plus dramatiques, l’émotion sera si forte que vous en perdrez généralement le réflexe photographique ».

Allez, une dernière, celle-ci aurifère et tirée des Carnets du 4 juin 2002 :

«  Dans la plupart des mines d’or, le non-respect des us et coutumes locaux peut parfois entraîner des réactions très hostiles chez les orpailleurs. Quelles sont les astuces qui vont vous permettre de mieux vous intégrer dans ce monde assez hostile, où seul la poudre d’or semble faire la loi ? Dans la jungle des chercheurs d’or, on s’embarrasse peu de scrupules. L’écologie, l’amitié, les droits de l’homme, on n’en a rien à cirer. Ici, chacun vit selon ses propres règles, celui qui les enfreint est un homme mort. Dans cet univers, où l’ardeur est moins payante que l’astuce, seuls les plus égoïstes tirent leur épingle du jeu. L’appât du gain l’emporte haut la main sur l’amitié. A la moindre particule d’or qui scintille au fond de la pâtée, on devient nerveux et on s’empresse de mettre son butin à l’abri des regards indiscrets. Le souci de rentabilité imprime une véritable tension qui n’autorise aucun sentiment et encore moins le sens du partage. Englouti dans cette jungle où l’espérance de vie ne dépasse guère les 35 ans, on use et on abuse de tous les plaisirs sans jamais se fixer de limite ».

A l’égard de ce bourlingueur si prodige en conseils, il semble avoir au moins deux opinions. Ses tuyaux intéressent plus de 300 mille téléspectateurs, plutôt âgés pour la plupart, d’après une mesure d’audience faite en mai 2002. et la chaîne francophone internationale TV5 n’hésite pas à octroyer à son produit le label d’émission pédagogique. Par contre, le Réseau d’éducation au développement, RED, qui regroupe des ONG et des associations belges francophones, est d’un tout autre avis. Pour les animateurs du RED, l’émission regorge de séquences choquantes qui contribuent à renforcer les stéréotypes sur le Sud. Ils ont contacté en conséquence Jean Jacques Jespers, journaliste et présentateur de l’émission Qu’en dites-vous, sorte d’espace de médiation sur le travail journalistique de la RTBF, qui s’est montré réceptif et serait d’accord de réunir sur un plateau le réalisateur des Carnets du bourlingueur et des animateurs du RED pour lui apporter la contradiction.

Pour l’occasion, les téléspectateurs feraient bien de se faire désensabler les portugaises.